Jean-Louis Costes n’est pas raciste. Mais ses chansons le sont. La cour d’appel de Paris a condamné l’artiste à 50 000 F d’amende... avec sursis. Costes se pourvoit en cassation, espérant infirmer l’absence de prescription sur Internet.
Relance
du débat sur la prescription
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La Cour
de Cassation pourrait ne se prononcer sur l’affaire Costes que d’ici un
an, à moins qu’elle n’accélère l’examen pour parer
au plus tôt aux risques
de dommages collatéraux. Ceux que l’absence de prescription fait
peser sur tous les médias en ligne, ne serait-ce quen raison
de leurs archives. À ce propos, la garde des Sceaux, Marlyse Lebranchu,
a indiqué récemment qu’elle espérait une "évolution
rapide de la jurisprudence" et que le gouvernement ne légiférerait
que par défaut. Elle a toutefois précisé que la Loi
sur la Société de l’Information (LSI) pourrait inclure un
chapitre sur la question.
En tout état de cause, la LSI, qui n’est pas encore en discussion,
risque de ne pas être adoptée avant la fin 2002. Dernière
solution possible ; : le Conseil européen, qui s’inquiétait,
au sommet de Nice et suite à l’affaire du Réseau Voltaire,
de l’impossibilité de développer des contenus si les sites
Internet sont assimilés à des "publications continues",
pourrait prendre lui-même l’affaire en main. Ce que laissait entendre
la délégation suédoise, qui doit prochainement prendre
la présidence du Conseil.
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Jean-Louis Costes est responsable d’avoir "
mis à la disposition du public le plus large sur un média délibérément choisi pour ce qu’il offre d’espace de liberté et de difficulté à être contrôlé" les textes de trois de ses chansons. Ainsi en a décidé la cour d’appel de Paris, qui a condamné, mercredi 20 décembre, l’artiste à 50 000 F d’amende...avec sursis. Costes devra également payer 25 000 F au titre de réparation complémentaire et de paiement des frais de justice à payer à la LICRA, au MRAP et à la LDH, l’UEJF obtenant 1 F, conformément à ce qu’elle avait demandé. L’artiste trash est aussi condamné à publier le jugement sur la page d’accueil de son site, et à retirer les trois textes incriminés. Les paroles de ces chansons relèveraient, selon le juge, de l’injure, de la diffamation et de la provocation à la violence raciale. Á ce jour, seuls Patrick Sébastien et Philippe Bouvard avaient été poursuivis pour avoir oser parodier des discours racistes.
Un procès liberticide ?
Pour Me Rezlan qui, avec Me Thierry Lévy, défend l’artiste trash, "on peut être condamné pour des infractions à caractère raciste alors même qu’on n’est pas raciste", ce qu’ont reconnu tant les parties civiles que le
juge et le procureur. Pour Maitre Thierry Levy "la condamnation de Costes
était quasiment inéluctable, non pas parce que Costes est raciste, mais en
raison de l’incapacité des institutions judiciaires de comprendre certaines
formes de recherche quand elles sortent du cadre". Ce dernier s’était illustré lors de l’audience en demandant, fait rarissime, à reprendre la parole suite aux dépositions des parties civiles. Au bout de quatre ans de procédures, et de quatre procès, elles avaient en effet insisté pour que Costes ne soit pas condamné à une peine de prison, contrairement à la requête du procureur. Après avoir déclaré qu’il n’avait jamais vécu un tel dédit de toute sa carrière, celui-ci avait cru bon de déclarer qu’il ne voulait pas que l’histoire retienne qu’il fût le seul "liberticide" dans cette affaire... aveu cinglant, ou lapsus révélateur, qui pourrait avoir motivé le "sursis" appliqué à l’amende.
Pourvoi en cassation
Reste que Jean-Louis Costes a décidé de se pourvoir en cassation, et donc de maintenir les paroles de ses chansons. Ne serait-ce que pour continuer à se battre sur le terrain de la prescription. Il y a un an, le juge avait en effet déclaré que le délai de prescription valable pour les livres et les articles de journeaux ne s’appliquait pas au Net. L’artiste avait déjà fait appel au juge suprême et avait été débouté au motif que l’affaire n’était pas jugée sur le fond. C’est chose faite. La Cour de cassation va désormais pouvoir se prononcer sur une décision qui a déjà permis au Front National de poursuivre une association de lutte contre l’extrême droite, le Réseau Voltaire.