Lancé en 2000 par un professeur finlandais, Eno Environment Online est un programme d’enseignement en ligne unique au monde, qui cherche à éveiller l’attention des adolescents sur les questions d’environnement tout en leur apprenant à s’informer sur la Toile. Entièrement gratuites, toutes les ressources du programme sont librement accessibles par les enseignants via l’internet : synopsis des cours, bases de données, module de chat, calendriers, etc. 130 classes réparties dans 52 pays (de l’Arménie au Zimbabwe) ont rejoint Eno, dont le budget annuel se limite à 60 000 euros. Après trois ans d’existence, cette école virtuelle originale passe à la vitesse supérieure et organise des jumelages avec une vingtaine d’écoles africaines.
Echange d’informations, discussions hebdomadaires, création de sites thématiques par les élèves... dans le programme Eno, tout se passe en ligne. Même l’élaboration des cours. Le Finlandais Mika Vanhanen, co-fondateur et coordinateur de Eno, explique : "A la fin de chaque année, je fais le bilan par courriel avec les autres enseignants pour déterminer ce que nous allons faire l’année suivante."
Plus qu’un éléphant blanc
Eno a reçu l’agrément du Programme environnemental des Nations Unies (Unep) et de la Commission européenne. Parrainé par Al Gore et Jacques Chirac, ce programme pourrait n’être qu’un "éléphant blanc" para-onusien de plus si son succès ne se confirmait pas année après année.
Lancé en 2000 avec une cinquantaine d’écoles réparties dans 30 pays, Eno se contente d’un budget de 60 000 euros, assumé par le gouvernement finlandais et la municipalité de Joensuu, située tout près de la frontière russe.
Mika Vanhanen s’est lancé dans l’enseignement en ligne dès 1995. "J’ai commencé par un programme régional ici, en Finlande, raconte-t-il. Pour pouvoir lancer Eno, j’ai envoyé des courriels à des centaines d’écoles dans le monde, après les avoir trouvées sur l’internet grâce à toutes sortes de réseaux internationaux d’enseignants."
"Société de l’interaction"
L’enseignement dispensé grâce à Eno est destiné à des élèves dont l’âge varie entre 12 et 16 ans. Il se répartit cette année en quatre grands thèmes : "L’endroit où nous vivons : environnement physique et social ; la façon dont nous vivons : environnement et santé ; c’est notre nature : changement climatique ; c’est notre culture : nourriture et tradition."
Pour le changement climatique, par exemple, chaque groupe d’élèves dispose d’un trimestre afin de publier dans sa langue maternelle un journal sur les impacts du réchauffement dans sa région, réaliser un sondage dans leur entourage sur ce qu’est l’effet de serre et rédiger un article de synthèse en anglais. Tous ces travaux sont ensuite mis en ligne sur le site et peuvent être consultées par les autres écoles.
Mika Vanhanen explique : "La pédagogie d’Eno, c’est l’idée que les ’apprenants’ construisent eux-mêmes leurs propres connaissances pour ensuite les partager avec leur communauté en ligne. Cela confère aux élèves le sentiment que les informations qu’ils découvrent sont issues d’un environnement proche et familier. Du coup, ils acquièrent la conviction que ces informations sont vraiment importantes, ce qui entretient leur motivation."
"Plutôt qu’une ’société de l’information’, nous avons besoin d’une ’société de l’interaction’, insiste le professeur Finlandais. L’enseignement ne doit pas avoir lieu seulement dans la classe ou au sein de la communauté en ligne. Toute la communauté locale (école, famille, village ou ville) doit pouvoir y participer."
Mika Vanhanen précise : "Nous organisons de nombreuses activités qui permettent de faire participer l’entourage des élèves. A chaque fois qu’un cycle d’enseignement s’achève, nous encourageons les classes à aller présenter ce qu’ils ont appris dans à la bibliothèque municipale ou devant les médias locaux."
Eno répond au principe du "constructivisme socio-culturel", une théorie inventée par le pédagogue russe Lev Vygotsky (1896-1934).
Une seule classe en France
Sylvia Min-lee Li enseigne dans un collège pour filles à Taiwan. Elle a rejoint Eno en 2002, après avoir été sollicitée par Mika Vanhanen. "La grande difficulté pour faire suivre ce programme à mes élèves, c’est de trouver le temps nécessaire. Ils se débrouillent entre eux et avec le site, et nous faisons le point une fois par semaine pendant une heure et demi." De leur côté, les profs se réunissent chaque semaine au cours d’un chat d’une demi-heure. L’anglais est de rigueur pour permettre à ces enseignants brésiliens, chinois ou kazakhes de communiquer.
Converti de la première heure, Rajiv Shrivastava, de l’école de la vallée d’Assam, située dans l’Etat indien du même nom, se félicite de l’enthousiasme de ses élèves à l’égard de Eno. "A chaque fois que nous créons un nouveau groupe d’élèves, c’est le chaos parce que tout le monde veut s’y joindre", plaisante-t-il. Le principal intérêt du programme ? "Donner un accès au réseau mondial et fournir un enseignement pertinent sur les nouveaux problèmes environnement", répond-il. Seule limite à ses yeux : "Les écarts de fuseaux horaires ne facilitent pas toujours la communication."
Cette année, Eno prend une ampleur nouvelle : pour la première fois depuis sa création en 2000, des jumelages vont avoir lieu. Ils resteront virtuels dans un premiers temps : des rencontres en lignes approfondies grâce au chat et à des vidéo-conférences. 23 écoles africaines (Zimbabwe, Botswana, Ghana, Kenya) ont été jumelées avec des écoles d’autres continents.
Les écoles qui participent à Eno sont assez souvent des établissements ’pilotes’. Pour l’instant, seule une classe française a rejoint le programme, au lycée Emile-Dubois, à Paris.