Anna Birulés a été nommée à la tête du tout nouveau ministère des Sciences et Technologies, mis en place par le gouvernement espagnol à la fin du mois d’avril. Retour sur le parcours d’une femme que personne n’attendait là.
D.R. |
Son mari et son fils n’en sont toujours pas revenus. Le 27 avril dernier, assis devant la télévision, ils ont entendu José María Aznar, grand vainqueur des élections législatives du 12 mars 2000, prononcer le nom d’Anna María Birulés y Bertrán dans la composition de son nouveau gouvernement. Contre toute attente, le Premier ministre espagnol a confié à cette femme, inconnue du grand public, le ministère flambant neuf des Sciences et Technologies (ex-ministère de l’Industrie). Depuis lors, Anna Birulés est responsable, entre autres, des télécommunications et de l’Internet en Espagne.
La bête noire de Telefónica
L’aventure ne l’effraie pas. Tout au long de sa carrière, cette Catalane de 46 ans, née à Girona (Catalogne), s’est imposé comme une briseuse de barrières. Ainsi, en prenant en 1997 la direction de Retevisión, opérateur privé de télécommunications, Anna Birulés, l’une des premières femmes du pays à occuper un tel poste, a dû ferrailler contre le machisme des dirigeants des grandes entreprises espagnoles. Ensuite, elle s’est attaqué avec succès au monopole de Telefónica sur le marché du téléphone fixe. Anna Birulés est alors devenue la bête noire de Juan Villalonga, le très médiatique patron de l’opérateur public privatisé en 1997, "ami de 30 ans" de José María Aznar. "Je serai toujours contre M. Villalonga", aime-t-elle à répéter.
Passage dans le privé
Cette inimitié affichée n’est sans doute pas étrangère à sa nomination à la tête de la politique technologique du pays. Roué, José María Aznar (par ailleurs proche de Telefónica) s’est offert à bon compte un gage de pluralité. Mais le chef du gouvernement sait aussi qu’il peut compter sur ses multiples compétences. Après un doctorat d’économie à Barcelone et un master à Berkeley, Anna Birulés a travaillé dix ans au sein du gouvernement autonome catalan, au département de l’industrie. Lassée par l’administration, elle passe ensuite au privé, où elle occupe divers postes à responsabilités dans une importante banque de la région de Barcelone, et dans les télécommunications peu de temps après. Son arrivée à Retevisión en 1997 a été accueillie avec scepticisme. Mais elle a su gagner la confiance du petit monde ibérique des nouvelles technologies en mettant en place des initiatives innovatrices, telles que l’accès gratuit à Internet, la facturation détaillée à la seconde près et un tarif unique de connexion pour le week-end.
Caractère pointilleux
Exigeante envers elle-même, Anna l’est tout autant avec ses collaborateurs, qui redoutent son caractère pointilleux mais lui reconnaissent une grande capacité d’écoute. Une qualité qu’elle a pu mettre en pratique dès sa prise de fonction : l’Association des internautes espagnols (AUI) lui ayant demandé une première audience quelques minutes après l’annonce officielle de sa nomination. Et les sujets de conversations ne vont pas manquer (baisse des tarifs téléphoniques, accès à Internet pour tous, nouvelles licences de téléphonie mobile, etc.). Autant de thèmes qui vont faire l’actualité du ministère des Sciences et Technologies ces prochains mois.
Chemin difficile
La tâche ne sera pas aisée pour la nouvelle ministre. Outre l’hostilité de Telefónica, elle devra composer avec les dispositions du régime espagnol qui prévoit des mesures d’incompatibilité pour les hauts fonctionnaires : pendant deux ans, ils ne peuvent intervenir sur des thèmes dans lesquels ils avaient des intérêts avant leur nomination. Anna Birulés ne pourra ainsi rien décider ni même rien déclarer ayant un lien avec Retevisión et toutes ses filiales. Difficile d’imaginer qu’elle pourra aborder le problème des télécommunications sans toucher de près ou de loin au deuxième opérateur national. Une situation qui permet à José María Aznar de pouvoir se séparer d’elle sans trop de problème en cas de désaccord. Mais Anna Birulés n’est pas femme à se laisser faire.