France Télécom, actionnaire de l’opérateur salvadorien CTE-Telecom, a été condamné par l’organisme de contrôle des télécommunications local. Motif : écoutes illégales.
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Soixante mille dollars. C’est la sanction administrative la plus importante jamais prononcée par la Superintendancia de Electricidad y Telecomunicaciones (SIGET) du Salvador à l’encontre d’une entreprise opérant dans ce pays. France Télécom, qui possède 51 % de l’opérateur téléphonique salvadorien CTE-Telecom depuis 1997, a été condamné le 7 juin dernier pour "
violation du secret des communications". Selon la SIGET, des conversations d’hommes politiques, de responsables d’associations homosexuelles et de défense des droits de l’homme, de journalistes, de banquiers et de syndicalistes étaient interceptées, enregistrées et retranscrites sous le nom de code "B9", avant d’atterrir sur le bureau de l’OIE (Organismo de Inteligencia del Estado), les services secrets locaux. Le procureur de la République et le directeur de
Hoy, le plus important quotidien du pays, figurent notamment sur la liste des "B9". Au total, selon SIGET, 13 lignes de téléphones étaient officiellement sur écoute. Mais d’après plusieurs députés et journalistes, ce chiffre est bien en deçà de la réalité : plus de 2 000 lignes seraient encore sur écoute.
"Violations des garanties constitutionnelles"
Pour Ernesto Lima, directeur du SIGET, "mieux vaut éviter le téléphone si vous avez quelque chose d’important à dire dans ce pays. Concernant cette affaire d’écoutes, notre travail s’arrête là. Nous n’avons pas les moyens légaux pour continuer l’enquête. Mais une copie de la condamnation a été transmise au procureur de la République." Ce dernier a d’ailleurs décidé d’ouvrir une enquête contre l’opérateur pour "violations des garanties constitutionnelles". Les parlementaires ne sont pas en reste non plus et ont mis en place une commission d’enquête qui a démarré ses travaux lundi 3 juillet, en interrogeant plusieurs responsables des télécommunications du pays, dont le représentant de France Télécom au Salvador, Dominique Saint Jean, président de CTE-Telecom.
France Télécom nie les faits
Dans les prochains jours, deux anciens présidents de la République, Alfredo Cristiani et Armando Calderón Sol, devront aussi s’expliquer devant les députés. Car chez CTE-Telecom, qui a fait appel de sa condamnation et dont le mot d’ordre semble être "sans commentaires" (son président et ses collaborateurs n’étant pas joignables ou en réunion depuis deux jours...), on nie farouchement les faits, arguant que ces pratiques datent d’un autre temps, à l’époque où CTE-Telecom s’appelait encore ANTEL et était une entreprise nationale qui employait 40 personnes pour procéder à des écoutes au sous-sol de son siège social. Pourtant, d’après plusieurs témoignages d’anciens employés d’ANTEL, cette équipe connue sous le nom de "Département radioélectrique" a été déplacée au sous-sol du palais présidentiel au moment de la privatisation d’ANTEL et de la prise de participation majoritaire de France Télécom en 1997. Le quotidien Hoy avance même que l’opérateur français a poursuivi le travail d’ANTEL pour le compte des services secrets salvadoriens.