Alors que le gouvernement indien s’apprête à autoriser la culture d’une pomme de terre génétiquement modifiée pour combattre les problèmes de malnutrition, une ONG d’agronomes spécialistes de la biodiversité basée à New Delhi dénonce le manque d’apport nutritif de cet aliment.
Bien qu’elle cultive du coton transgénique en masse, l’Inde n’a pour l’instant autorisé la culture d’aucun aliment OGM à des fins commerciales.
La levée de ce moratoire pourrait être imminente. D’ici six mois, le gouvernement indien devrait autoriser la culture d’une pomme de terre OGM, afin qu’elle soit proposée dans les repas gratuits distribués aux enfants pauvres dans toutes les écoles du pays. Mis au point par DuPont - l’un des trois leaders mondiaux des OGM - cet aliment dispose, selon ses concepteurs, de quantités suffisamment importantes de protéines pour résoudre en partie les problèmes de malnutrition endémiques dans le deuxième pays le plus peuplé du monde.
" De fausses promesses ", contestent Vandana Shiva et Afsar Jafri, membres de la RFSTE (Research Foundation for Science, Technology and Ecology), une fondation créée en 1982 et spécialisée dans la recherche sur la biodiversité.
Cette nouvelle variété de pomme de terre OGM contient un gène d’amaranthe, une plante herbacée originaire d’Amérique du sud, appelée aussi "blé des Incas". Vandana Shiva et Afsar Jafri ont comparé sa valeur nutritive avec celles du riz et des grains d’amaranthe, deux des aliments de base en Inde.
Selon les résultats fournis par les deux chercheurs, 100 grammes de la pommes de terre DuPont contiennent seulement 1,6 grammes de protéines, contre 14,7 grammes pour l’amaranthe et 6,8 grammes pour le riz blanc.
Vandana Shiva et Afsar Jafri affirment : "La promotion de cette pomme de terre se fait au détriment de l’amaranthe et des légumes secs, principales sources de protéines dans les repas indiens."
Pauvre en minéraux
En outre, la RFSTE soutient que la surconsommation de cette pomme de terre priverait les enfants de certains minéraux. Des minéraux contenus en grande quantité dans l’amaranthe, mais beaucoup plus rares dans la pomme de terre génétiquement modifiée que commercialise DuPont. Vandana Shiva cite l’exemple du fer (présent à hauteur de 11 milligrammes pour 100 grammes d’amaranthe, contre seulement 0.7 milligrammes pour la pomme de terre OGM) et du calcium (510 milligrammes pour l’amaranthe, 10 milligrammes pour la pomme de terre OGM ).
Outre "les mensonges" sur les valeurs nutritives de cet OGM, la RFSTE dénonce les méthodes employées par DuPont. Le groupe américain n’aurait pas demandé au GEAC (Genetic Engineering Approval Committee) un organisme placé sous la tutelle du ministère indien de l’Environnement, l’autorisation de procéder à des essais en plein champ. Une démarche pourtant obligatoire avant de débuter des cultures OGM en Inde.
Les chercheurs de la RFSTE affirment que l’introduction de cette pomme de terre OGM ne résoudra pas les problèmes de malnutrition en Inde et soulignent que le développement de monocultures détruit la biodiversité dont bénéficie l’agriculture traditionnelle.
DuPont n’a pas encore fait savoir si des contre-expertises auront lieu.