Andreas Eschbach vient de publier, en France, son dernier roman, Jésus Vidéo. Un voyage à travers le temps, où l’image numérique et la datation au carbone 14 se partagent la vedette. Rencontre avec le nouveau chef de file de la SF allemande.
Un café parisien à Montmartre, Place du Tertre. Andreas Eschbach termine son eau gazeuse. Anonyme au milieu des touristes. Rien n’indique que ce rondouillard à lunettes est un écrivain à succès en Allemagne. Là-bas, Jésus Vidéo, son dernier opus qui vient de sortir en France, s’est vendu à plus de 200 000 exemplaires. Un exploit pour un livre de science-fiction. Propulsé, à 40 ans sonnés, chef de file de la SF germanique par la presse et l’édition, Eschbach a gardé les pieds sur terre. « Cela fait plaisir, mais je ne suis pas dupe. Le petit monde de l’édition avait besoin d’un nouveau nom : la SF se mourrait. Il fallait amorcer la reconquête du genre. J’ai joué ce rôle et je le joue encore aujourd’hui. » Eschbach parle lentement, très bas, comme si ses propos relevaient du secret défense. Claire Duval, sa traductrice attitrée, a parfois du mal à comprendre ses phrases courtes, presque monosyllabiques. Malgré les exemplaires vendus et les lauriers glanés, dont le Grand prix de l’imaginaire 2001 (Festival Utopia de Nantes), ce timide vit dans un monde à lui, rien ne pourrait l’en faire sortir.
Histoire haletante
À 12 ans, ayant lu Jules Verne, il se met à composer des histoires. D’emblée, il est attiré par la science-fiction : « Le passé ne m’intéresse pas, le futur est bien plus attractif. » Au début des années 90, l’ingénieur en aéronautique qu’il est devenu monte sa propre société d’informatique à Stuttgart. Tout en continuant à écrire. « Nous développions des logiciels de bases de données clients pour le marketing. » L’aventure ne le passionne pas. En 1996, lorsqu’il parvient à vivre de ses bouquins, il raccroche ses gants d’entrepreneur. Depuis, Andreas se consacre exclusivement à l’écriture. « Cela ne signifie pas que je suis riche. Je roule en Opel Astra. J’attendrai encore un peu avant la Mercedes. » Il avoue écrire « quand il en a le temps ». N’importe quand, mais pas n’importe où. « La seule habitude que j’ai prise est de tout rédiger sur mon PC. »
On retrouve naturellement des éléments autobiographiques dans deux des protagonistes de Jésus Vidéo. Une histoire haletante, où s’entrechoquent nouvelles technologies et religion. Tout commence près de Jérusalem. Lors d’une fouille archéologique, un jeune volontaire américain, patron d’une société d’informatique, exhume le manuel d’une caméra numérique qui ne devrait sortir que dans trois ans. Un homme aurait-il visité la Palestine, muni de cette caméra ? Qui a-t-il filmé ? Où se trouve la caméra ? Et la cassette ? L’image et la voix de Jésus figurent-elles sur la bande ? Pour répondre à ces questions, le responsable des fouilles fait appel à un écrivain de SF, spécialiste du voyage temporel... Le Vatican et ses services spéciaux sont vite de la partie. Non croyant, Eschbach se dit fasciné par le thème de l’existence de Jésus. « Quel genre d’homme était-il ? J’ai effectué de longues recherches pour étayer mon propos. » Loin de lui l’idée de s’impliquer dans un débat sur la religion. « Je n’ai pas de réponse... mais ce thème offrait une trame romanesque idéale. »
Adaptation télévisée
Ce livre inclassable, à mi-chemin de la SF, du thriller et du roman d’aventure, est découpé et rédigé comme un scénario de cinéma. Ainsi, certaines scènes de fouilles archéologiques se limitent à des descriptions lentes comme des travellings... Une adaptation télévisée est en cours de préparation. Andreas Eschbach n’y participe pas. « Ce n’est pas mon truc. J’ai fait le plus dur, j’ai écrit le bouquin. Je demanderai peut-être une petite apparition, genre ‘‘ cameo appearance ’’ à la Hitchcock, juste pour m’amuser. » Le secret d’Andreas Eschbach est là : « Le plaisir, c’est le travail », proclame-t-il, imperturbable. Mais quand on lui demande où il aimerait se retrouver s’il pouvait, lui aussi, voyager dans le temps, il soupire, sourit, plisse les yeux et lâche : « À un concert des Beatles. »
Jésus Vidéo, d’Andreas Eschbach, ...ditions L’Atalante, traduction de Claire Duval, 597 pages, 149 francs.