Thomas Lardeur, journaliste indépendant*, vient de sortir sur France 3 les résultats d’une enquête sur l’...glise de Scientologie. L’un des principaux éditeurs d’anti-virus dans le monde, Panda Software, basé au Pays basque espagnol, cotiserait auprès de la secte. C’est aussi le fournisseur du ministère de l’Intérieur en France...
Vous avez révélé la semaine dernière, au journal télévisé de France 3, que le patron de Panda Software, Mikel Urizarbarrena, est un scientologue. Comment avez-vous découvert cela ?
Même si je n’aime pas ce terme, je suis un peu un " spécialiste " des sectes. Cela fait longtemps que j’enquête. L’année dernière, j’ai sorti, dans Paris-Match, l’annuaire des entreprises scientologues, une liste publiée à usage interne par le World Institute of Scientology Enterprises (WISE). Ce réseau compte 2 500 sociétés. WISE, c’est " la branche de la Scientologie qui doit faire émerger une nouvelle civilisation ". Les adeptes décident de mettre en œuvre la technologie d’administration de ressources humaines de la secte dans leur entreprise. En échange, ils reversent une partie de leur chiffre d’affaires à la Scientologie. Parmi les membres de WISE, il y a six catégories, du simple adhérent à celui qui va implanter les méthodes de la secte dans l’administration d’un ...tat ou d’une multinationale. Parfois, les royalties perçues par la secte peuvent atteindre 14 %. Pour Panda, le seul chiffre connu, ce sont les 40 000 dollars (300 000 francs) que Mikel Urizarbarrena a versés à l’Association internationale des Scientologues en 1996 dans la catégorie " patron ".
On apprend, grâce à vous, que le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’...ducation nationale, et plusieurs conseils généraux, dont celui de la Gironde, sont équipés de logiciels anti-virus Panda Software. Quels problèmes cela pose-t-il ?
Le premier problème, c’est que les clients ne savent pas avec qui ils traitent. Le deuxième problème que pose l’affaire Panda, ce sont les fichiers. Grâce à leurs logiciels, les dirigeants de Panda possèdent les coordonnées personnelles des utilisateurs, puisque ces derniers sont censés retourner ces données à l’éditeur. Or, on ne connaît pas la finalité de ces fichiers. Les échangent-ils au sein de leur réseau WISE ? Troisième problème, Panda équipe le ministère de l’Intérieur. Ces derniers nous disent que la situation est sous contrôle, qu’ils ont les sectes à l’œil... et on s’aperçoit qu’une société, dont le patron figurait en 1999 dans l’annuaire des entreprises scientologues, se vante sur son site d’avoir comme client le ministère de l’Intérieur ! Quant à moi, je ne peux pas penser une seconde qu’on ignorait cela place Beauvau.
Au-delà de ces inquiétudes, Panda peut-il manipuler ses clients par l’intermédiaire de ses logiciels ?
Cela reste un problème virtuel, non avéré : les anti-virus comportent-ils une backdoor ? Il faut savoir que ce type de logiciel permet d’accéder au disque dur de l’utilisateur. S’il y avait une porte dérobée, Panda pourrait avoir ajouté d’autres fonctions, comme la destruction de fichiers, ou la récupération de données. Mais je n’y crois pas trop. Ce serait véritablement une déclaration de guerre de la Scientologie.
* Auteur de Les Sectes dans l’entreprise, ...d. d’Organisation, 1999