modifié le 20 juin
Créer en apesanteur à bord d’un avion en chute libre, c’est l’expérience surprenante qu’ont tentée cinq artistes et chercheurs, il y a quelques semaines, au centre spatial russe de la Cité des Etoiles. Réunis de nouveau à Rotterdam (Pays-Bas) les 21 et 22 juin, ces créateurs de haut vol présentent leurs oeuvres et partagent leur passion lors d’un colloque de deux jours, consacré à la "microgravité" et aux redéfinitions du rapport entre le corps et la technologie.
Au cours des 25 secondes d’apesanteur qu’il a vécues en Russie, l’artiste catalan Marcel-li Antunez Roca a testé son "exosquelette", une série d’accessoires robotiques qu’il se fixe sur le corps. Ce vol lui a inspiré un spectacle qu’il dévoilera au public samedi 21 juin lors de l’événement de Rotterdam.
Comme Marcel-li Antunez Roca, les intervenants de cette manifestation internationale sont mûs par des rêves de gosse, une démarche artistique ou une recherche scientifique. Et sont tous intéressés par l’expérience de "gravité altérée" que représentent les expériences en apesanteur. "Ces vols paraboliques ont servi de mise en situation et de base au développement de projets artistiques personnels", explique Annick Bureaud, la coordinatrice d’Olats, l’Observatoire des arts et des techno-sciences, l’une des cinq organisations à l’origine de l’événement.
Mir 2003 fait le maximum
La réunion de Rotterdam est organisée par un consortium international baptisé "Mir 2003" : Microgravity interdisciplinary research. Outre Olats, on y trouve The Arts Catalyst, une agence anglaise consacrée aux travaux artistiques nécessitant la collaboration avec des scientifiques. Le centre de recherche et de création néerlandais V2, lui, reçoit le colloque et co-finance l’ensemble du projet Mir. Les deux derniers partenaires du consortium sont l’institut Projekt Atoll de Slovénie, qui soutient par exemple le laboratoire scientifique et artistique nomade Makrolab (Lire notre article et notre interview), et le Centre des arts multimédias de Russie.
L’Union européenne aide financièrement, via V2, l’ensemble du projet, dans lequel les coûts d’organisation du voyage et du vol à la Cité des Etoiles russes pèsent le plus lourd.
Le projet de Mir n’est pas la première expérience de vol parabolique à but artistique. La chorégraphe Kitsou Dubois s’est par exemple envolée 10 fois à partir de 1990, grâce à des programmes de recherche spatiale français. Cette "chercheuse en danse", qui fait partie des pionniers de l’art en apesanteur, a ensuite collaboré avec The Arts Catalyst, dans le cadre d’un programme lancé par un vol organisé à la Cité des Etoiles en 2000.
"Depuis, le regroupement Mir a permis de rendre le projet plus important dans ses productions - montage de demandes de financement - et sa visibilité - publications, colloques, etc.", explique Annick Bureaud
Accros à l’espace
Réunies à Rotterdam, les organisations composant Mir viennent aussi échanger les fruits de leurs expérimentations respectives. Après la performance de Marcel-li Antunez Roca, sélectionnée par le consortium, Annick Bureaud animera par exemple un débat sur les problèmes de perception de la motricité, révolutionnée en apesanteur. Quant au Français Ewen Chardonnet, auteur de Quitter la gravité (éditions de l’Eclat), il s’intéressera aux phénomènes biochimiques et physiques qui entrent en jeu lors de l’apesanteur.
"Je parlerai également des drogues qu’utilisent les astronautes contre le mal de l’espace ou de l’aspect ’Pavlov’, un effet que l’on sent au moment du passage de 0G a 2G avec le changement de lumière...", annonce le chercheur, qui a résidé au Makrolab, actuellement posé sur une île à Venise, à l’occasion de la Biennale d’art contemporain de Venise.
Membre de l’Association des astronautes autonomes (AAA), un réseau international de groupes ou d’individus se consacrant à la construction de leurs propres capsules spatiales, Ewen Chardonnet explicite son attirance pour les vols paraboliques et artistiques : "Je me passionne pour l’action qui permet de quitter la gravité, concrètement et métaphoriquement, mais également pour la dimension sociale de ce type de vols, qui permettent de développer des programmes spatiaux indépendants."
Les profils hétéroclites de ce collectif de créateurs de l’espace rendront sans nul doute les débats passionnants. Les discussions sur le thème de l’art spatial se poursuivront même en France, du 30 septembre au 9 novembre 2003, à la Maison européenne de la photographie, lors de la prochaine édition du festival international @rt Outsiders. Un colloque portera sur ce sujet les 4 et 5 octobre.