C’est l’un des sites référence en matière d’informations sur les multinationales. Derrière transnationale.org se cache Régis Castellani, 30 ans, ingénieur en chimie.
« Discutez avec vos amis du prix de l’eau, des conditions de travail ou de l’environnement et vous verrez qu’au bout de dix minutes vous arriverez souvent au même point : les multinationales. » C’est une véritable obsession : Régis Castellani voit des empires industriels partout. À 30 ans, cet ancien ingénieur chimiste leur consacre même ses journées. Lancé en 1998, son site, transnationale.org, est devenu l’une des bases documentaires en ligne les plus abouties sur les multinationales. 7 500 sociétés et 11 000 marques y sont référencées. Objectif premier : établir un lien entre les unes et les autres, mettre à nu les concentrations... « Ce qui me surprend toujours, c’est l’omniprésence des marques dans nos sociétés sans, pourtant, que les gens puissent les raccrocher à un nom de société », analyse Régis. Avant de lâcher soudainement : « Vous savez à qui appartient Dim ou Justin Bridou, vous ? » Euh, non... La tâche est gigantesque, mais qu’importe. Avec une précision d’entomologiste, le brun au look tranquille épluche la presse financière, les publications des organisations non gouvernementales (ONG) ou les rapports annuels des sociétés. « En libre téléchargement sur les sites, rubrique investor relations », sourit Régis. Sa formation scientifique lui a permis d’acquérir une méthode de travail basée sur la curiosité intellectuelle. Et un culte du questionnement. Ce lecteur assidu du Monde Diplomatique publie les réponses sur transnationale.org. Rien de confidentiel, bien sûr, mais des infos qui permettent de mieux cerner chaque compagnie. Disposent-elles de filiales dans des paradis fiscaux ? Respectent-elles la réglementation du BIT (Bureau internationale du travail) ? Quelles sont leurs politiques en matière d’environnement ? Qui sont leurs dirigeants ?
Juste acharné
Parfois, Régis délaisse l’ordinateur de son appartement de Martigues pour observer ces géants de près. À Prague, lors du sommet de la banque mondiale, en septembre 2000, il a questionné directement les responsables de Vivendi. Sujet : les négociations, entamées avant même la fin de la guerre, sur la reconstruction de la Serbie et du Kosovo. Ce minutieux travail de recoupement porte ses fruits. Et pas seulement auprès des consommateurs. La vente d’infos sur cédéroms permet à Régis d’être salarié de l’association Transnationale, qu’il a lui-même fondée. L’ancien chimiste dit avoir reçu, fin avril, une proposition de la banque d’affaires Morgan Stanley pour acheter la totalité de la base de données. Il n’a pas donné suite. Le jeune homme affirme n’avoir jamais subi de pressions de la part de multinationales. Acharné mais pas révolutionnaire, celui qui décortique les marques refuse, de toute façon, tout étiquetage : « Ce que je fais me paraît parfaitement naturel. Je ne me considère pas comme un activiste ou un gauchiste », lance ce petit-fils de réfugié républicain espagnol, mineur dans le sud de la France. « Il travaillait dans les mines aux alentours d’Alès. » Sait-il à qui elles appartenaient ? ...ric Mugneret
www.transnationale.org