Longtemps, le système Echelon d’écoute et d’interception des télécommunications a été dénoncé pour cause d’atteintes à la vie privée. De plus en plus, il en est question à propos de l’"intelligence économique", pour ne pas dire de l’espionnage industriel, que pratiqueraient les ...tats-Unis. Le rapport que vient de sortir le département du Commerce américain, "Addressing the Challenges of International Bribery and Fair Competition 2001", remet le couvert, en avançant qu’il existerait de "fortes présomptions de corruption" au sujet de 400 contrats internationaux, totalisant 200 milliards de dollars, conclus entre 1994 et 2001. Sur cette période, et parmi ces 400 marchés présumés corrompus, les entreprises américaines auraient perdu 100 contrats, équivalant à 30 milliards de dollars. Au cours des 15 dernières années, 112 pays auraient vu certains de leurs représentants officiels bénéficier de largesses de sociétés privées issues de 53 pays différents. Soixante-dix pour cent de ces derniers étaient pourtant signataires de la "Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales" de l’OCDE. Rien qu’entre mai 2000 et avril 2001, la corruption des officiels aurait concerné 61 contrats gouvernementaux, totalisant 37 milliards de dollars. Durant cette seule période, les compagnies américaines auraient ainsi perdu, selon le rapport, au moins neuf contrats, soit quatre milliards. Voilà pour ce qui est de la corruption. Car la question est aussi de savoir comment les ...tats-Unis ont eu vent de ces "fortes présomptions"...
Les dîners de l’ambassadeur
Selon un représentant du Département du Commerce, cité de manière anonyme par NBC ("NBC : U.S. intelligence uncovers record overseas bribery"), la NSA serait particulièrement active en la matière. En 1995, déjà, James Woolsey, alors directeur de la CIA, avait expliqué le modus vivendi des Etats-Unis. Depuis 1977, le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) punit sévèrement les entreprises américaines qui ont recours à la corruption dans le cadre de contrats internationaux. Pourtant, d’autres ...tats sont moins regardants en ce domaine. Donc, il en va de l’intérêt national américain de consacrer une partie de l’appareil de renseignement à ce que l’on appelle désormais l’"intelligence économique". "Et quand nous avons vent de pareil cas (de corruption) - ce qui nous arrive régulièrement -, expliquait alors Woolsey, nous n’allons pas voir l’entreprise américaine concernée, mais le secrétaire d’état, qui envoie un ambassadeur américain expliquer au chef du gouvernement, ou au Roi, que les Etats-Unis sont particulièrement impliqués dans l’économie locale, et qu’il serait regrettable de tolérer de tels comportements." Ce qui fait que, parfois, c’est finalement une société US qui emporte le contrat.
L’an passé, Woolsey avait même chercher à justifier l’espionnage de l’Europe par les ...tats-Unis, via Echelon, en arguant du fait que certains pays du Vieux Continent aurait recours à la corruption pour emporter certains contrats internationaux. Woolsey est d’ailleurs l’un des rares officiels, sinon le seul, à s’être exprimé sur l’utilisation de la puissance d’espionnage électronique des anglo-saxons aux fins de guerre économique.
Extension du domaine de la lutte
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Quid de l’Europe
? Sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, elle chercherait à
se doter de son propre Echelon (voir Echelon
: communiquez, y’a rien à voir... )Le rapport de la commission
d’enquête européenne sur Echelon, dont la version préliminaire
a été publiée début juin, rappelait que la lutte
contre la corruption est du ressort des forces de l’ordre, et non des services
de renseignements. L’utilisation d’Echelon en vue de soutenir l’effort économique
national des Etats-Unis relèverait donc de pratiques illégales,
pour ne pas dire anticoncurrentielles. En outre, nos confrères de
ZDNet révélaient fin juin qu’Echelon entraînait une
grave crise de conscience au Japon (Secousses
techno-diplomatiques entre le Japon et les Etats-Unis ). Le pays accueille,
en effet, lune des stations d’écoute, mais serait lui-même
surveillé par la Nouvelle-Zélande, ainsi qu’en témoignerait
la connaissance toute "particulière" qu’avaient les Américains
de la position des officiels japonais lors de négociations internationales.
De son côté, Duncan Campbell, le journaliste britannique qui
fait autorité sur la question, avançait, le 4 juillet dernier,
que si les Etats-Unis venaient d’annoncer la fermeture de Bad Aibling, une
station d’écoute américaine située en Allemagne, deux
autres seraient en construction en Suisse et au Danemark. Selon Campbell,
elles pourraient, à elles deux, fournir plus d’informations que ne
le font les diverses stations réparties au Canada, en Australie et
en Nouvelle Zélande (les trois pays "minoritaires"
d’Echelon). De plus, les USA ont récemment promis à l’Espagne
de leur fournir force renseignements concernant l’ETA. Les dirigeants de
l’organisation séparatiste basque opérant régulièrement
depuis le territoire français, c’est donc l’aveu implicite que les
Etats-Unis espionnent d’ores et déjà les télécommunications
françaises. D’autres accords de coopération auraient également
été passés avec la Norvège, l’Italie ainsi que
la Grèce (Lire Fight
over Euro-intelligence plans).
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NBC: U.S. intelligence uncovers record overseas bribery:
http://www.msnbc.com/news/599194.as...
Addressing the Challenges of International Bribery and Fair Competition 2001:
http://www.mac.doc.gov/tcc/anti_b/a...