La régie publicitaire de la RATP a adressé, le 6 novembre, une lettre d’huissier à l’hébergeur Ouvaton, lui demandant de fermer le site Stopub, qui appelle au recouvrement des affiches dans le métro parisien, aujourd’hui à 19 heures. Metrobus se plaint de risques de "dégradations" et estime que la première action de Stopub, le 17 octobre, lui a porté préjudice. La régie publicitaire exige également qu’Ouvaton lui livre "tous les éléments dont elle dispose concernant l’éditeur et/ou les auteurs du site Stopub". Les membres d’Ouvaton ne comptent pas obtempérer à ce qu’ils estiment être une "tentative d’intimidation" sans décision de justice.
Par une lettre d’huissier remise en main propre le 6 novembre en fin d’après-midi, Metrobus demande à Ouvaton de fermer "sans délai" le site stop.ouvaton.org, "qui appelle, de façon non équivoque, à la dégradation des espaces publicitaires dans le métro parisien".
Si l’hébergeur n’obtempère pas, Metrobus menace de le poursuivre en justice. "Les personnes qui fournissent aide et assistance aux auteurs d’un délit sont susceptibles d’être poursuivies à titre de complices", ajoute la régie.
Alexis Braud, président d’Ouvaton, qui héberge 3000 sites, réagit : "C’est une vraie tentative d’intimidation qui ne s’appuie sur aucune décision de justice, et ça nous agace beaucoup. Il ajoute : On nous demande d’appliquer la Loi sur l’économie numérique alors qu’elle n’est même pas encore en vigueur... Dans sa version actuelle, la LEN va obliger les hébergeurs à déterminer si un contenu est légal et s’ils doivent le censurer."
Les députés doivent réexaminer dans la première quinzaine de décembre cette loi polémique, adoptée par le Sénat en juin 2003. Elle renforce la responsabilité des hébergeurs, qui seront tenus de supprimer l’accès à un contenu potentiellement préjudiciable, dès qu’un tiers leur aura simplement notifié qu’il s’estimait lésé.
"La LEN va amener une situation inutile et dangereuse, clame Alexis Braud. Cela va créer des litiges au lieu d’en supprimer, notamment parce que des clients censurés vont se retourner contre leur hébergeur. C’est aussi dangereux car les hébergeurs commerciaux comme Free ou Lycos voudront éviter des procès coûteux et couperont les accès à des sites comme Stopub dès qu’ils subiront des pressions." Ouvaton a été créé après la fermeture de l’hébergeur gratuit et indépendant altern.org, avec une structure coopérative non-commerciale qui compte 2000 sociétaires.
Depuis sa naissance il y a deux ans, les 3000 sites qu’héberge Ouvaton ont donné lieu à trois demandes judiciaires officielles et à deux lettres de sommation. "C’est peu et cela ne concerne que des questions mineures, pas du pénal, rappelle Alexis Braud Cela montre que nous n’avons pas besoin d’une loi spécifique nous transformant en censeurs. Si un contenu est clairement illicite, les plaignants n’ont qu’à lancer une action en référé."
Contacté par Transfert, Gérard Unger, PDG de Metrobus, justifie sa démarche : "Une lettre de sommation aboutit à un référé, cela revient plus ou moins au même. On ne sait pas qui est derrière Stopub mais Ouvaton, lui, est tout de même un peu responsable des sites qu’il héberge."
"Nous touchons des intérêts importants"
Metrobus consultera ses avocats aujourd’hui pour déterminer s’il engage des poursuites judiciaires contre Ouvaton et les auteurs du site qui appelle les internautes à se rassembler à partir de 19 heures dans sept points de la capitale pour recouvrir les affiches publicitaires de croix noires et de slogans détournés, contre la "marchandisation du monde".
Metrobus a également envoyé une lettre de sommation à Résistance à l’agression publicitaire (RAP), une association pionnière de la lutte contre l’exploitation commerciale du paysage. "Nous n’avons pas appelé à suivre les deux actions de Stopub et nous n’y participons pas en tant qu’association. Mais nous comprenons l’exaspération toujours plus profonde que suscitent les agressions publicitaires", explique Yvan Gradis, le fondateur du RAP, présent à la première action Stopub en tant qu’observateur.
Malgré la pression, les organisateurs de l’action Stopub restent sereins : "Ils nous cherchent, ça les énerve...", se réjouit Frédéric. D’habitude, on fait fermer des sites néonazis ou des plate-formes comme Napster. Dans notre cas, c’est disproportionné..."
Quelques heures avant de se rendre au point de ralliement de la Place d’Italie, Frédéric (un réalisateur de documentaires) sait que les "barbouilleurs" seront attendus : "La réaction de Metrobus montre que notre action touche des intérêts suffisamment importants. Il faut nous préparer à rendre le rapport de force favorable, en étant nombreux, en se montrant sympathique et en assumant notre action non-violente." Le 17 octobre, les anti-pub étaient 300 à Paris et avaient recouvert les panneaux d’une centaine de stations.
Le 7 novembre, les activistes anti-publicité récidivent (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9526
Le site de Stopub:
http://stopub.ouvaton.org
Une action contre les panneaux publicitaires se prépare pour vendredi, 19 heures (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9436
Le site de Résistance à l’agression publicitaire:
http://www.antipub.net/rap
Le site de Metrobus:
http://www.metrobus.fr