Les participants de la conférence parisienne ne veulent plus de promesses, mais des sous
La deuxième conférence de l’International Aids Society, (IAS), une organisation internationale professionnelle dédiée à la prévention et aux traitements du sida, se tiendra à Paris du 13 au 17 juillet 2003. Cette conférence réunira 6000 chercheurs, venus présenter les dernières découvertes sur le virus, et 200 représentants d’associations de malades.
Pour la première fois, les associations du Nord et celles du Sud auront l’occasion de débattre des difficultés rencontrées lors d’un forum communautaire, organisé le 13 juillet dans le cadre de cette conférence. Objectif de cette rencontre : faire émerger des revendications communes entre ces deux communautés qui, a priori, ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes, même si elles souffrent des ravages de la même maladie.
Face au sida, tous les malades ne sont pas égaux :
- 80% des personnes atteintes par le VIH habitent les pays du Sud.
- La totalité de la recherche sur cette maladie s’effectue dans les pays du Nord.
- La totalité des traitements sont produits par des laboratoires pharmaceutiques implantés au Nord.
- Le Sud est confronté à des problèmes que ne connaissent pas les pays du Nord (ou plus exactement les pays riches : les pays d’Europe de l’Est partagent certains problèmes rencontrés au Sud) : guerres, déplacement des populations, absence de prévention, impossibilité d’accèder à des soins aux prix prohibitifs, manque d’éthique lors des essais thérapeutiques...
Représenter les malades
"Au-delà de ces différences, nous représentons tous des malades. Nous devons travailler ensemble. C’est important parce que les questions que se posent toutes ces associations sont fondées sur les mêmes problèmes de fond", explique Fabrice Pilorgé, membre de TRT5. Co-organisateur du forum communautaire, TRT5 (pour Traitements et recherche thérapeutique) fédère huit associations françaises de lutte contre le sida.
Au cours de ce forum, trois thèmes seront abordés : la prise en charge des malades, les essais cliniques et l’accès au traitement. Pour Fabrice Pilorgé, ces sujets concernent les malades du Sud comme ceux du Nord. "La différence n’est qu’une question d’échelle", explique-t-il.
La question de la prise en charge des malades sera abordée sous un angle éthique. "Nous militons tous pour une meilleure prise en charge des malades : ce problème reste aigü au Nord comme au Sud et nous allons réfléchir à des principes communs pour améliorer la relation patient/médecin", note-t-il.
Si les essais cliniques ne soulèvent pas les mêmes problématiques dans les pays du Nord et ceux du Sud, certains points, abordés lors du forum, concernent toutefois l’ensemble des malades : celui de l’influence des associations dans la recherche ou la nécessité d’inclure les femmes dans les essais cliniques, par exemple.
Enfin, l’accès au traitement est l’une des questions qui fédèrent le plus facilement associations du Sud et du Nord. "Nous nous battons tous contre la puissance des laboratoires pharmaceutiques. Au Nord, pour l’accès aux traitements compassionnnels (ceux qui concernent les médicaments qui n’ont pas encore obtenu leur autorisation de mise sur la marché, ndlr), par exemple. Au Sud, pour l’accès aux médicaments génériques, bloqué par les lobbies pharmaceutiques. Mais la problématique du rapport de force que les malades entretiennent avec les laboratoires nous concerne tous. Elle est liée à la question centrale qui nous préocupe aujourd’hui : quels moyens la communauté internationale est-elle prête à mettre au service des malades ?"
L’effort supplémentaire
Reste une question épineuse : le 16 juillet, la conférence de l’IAS se penchera sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Créé en 2000 lors du sommet du G8 à Okinawa au Japon, ce fonds est destiné à faciliter la prévention et l’accès aux traitements.
Selon l’ONG américaine aidspan, il faudrait 2,5 millions de dollars pour mener à bien les actions prévues dans le cadre de ce programme en 2003, dont la plupart sont consacrées au sida. A ce jour, les promesses des différents contributeurs pour cette année n’atteignent que 1,4 million de dollars. Et ce ne sont que des promesses : 91,3 millions de dollars prévus pour 2001 et 2002 n’ont pas encore été versés...
"Jacques Chirac, qui s’est exprimé à plusieurs reprises sur la nécessité de financer ce fonds, doit intervenir sur ce sujet lors de la Conférence. Mais nous craignons qu’une fois encore, ses intentions ne soient que de vaines promesses", s’inquiète Fabrice Pilorgé, qui s’avoue pessimiste sur le financement du fonds mondial. Son espoir : parvenir à mobiliser la communauté internationale, pour convaincre les pays débiteurs de faire un effort supplémentaire. Une des étapes de cette mobilisation sera peut-être franchie à l’occasion du forum communautaire.