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1er/02/2001 • 17h50

Mafia, justice et vidéo

archmag11
Confrontée à une avalanche de procès mafieux, la justice italienne s’est convertie, depuis deux ans, à la vidéoconférence. Résultat : les prévenus restent derrière les barreaux et les tr

Sur l’écran, un type à lunettes vêtu d’un blouson bleu envoie des baisers. Détendu ? Erreur. Il prend son mal en patience, enfermé dans une prison à des centaines de kilomètres du tribunal qui doit le juger, ce lundi d’octobre. Il attend le début de son procès par vidéoconférence. Et il le fait savoir à ceux qui l’aperçoivent sur les moniteurs éparpillés dans la salle d’audience, à Florence. C’est une aula bunker, une salle sécurisée, érigée à l’écart des enceintes de justice. Il y en a plus d’une centaine comme celle-là dans les tribunaux italiens, construites dans l’urgence et sur le même modèle, depuis l’époque des procès fleuves des brigades rouges. Sécurité maximale, cages à barreaux doublées de murs de verre à l’épreuve de balles pour les prévenus, portiques de détection à l’entrée, carabinieri aux aguets. De quoi éviter tout échange physique, toute velléité de fuite, risque zéro garanti. Il y en aura encore moins aujourd’hui. Car depuis que la Mafia a succédé aux brigadistes dans les prétoires, la justice italienne a fait preuve d’imagination pour éviter les pépins. Plus besoin de barreaux pour juger en toute sécurité : depuis deux ans, ces « salles bunkers » sont devenues des salles vidéo. Les procès se font à distance, par l’intermédiaire de caméras reliant les prisons et les tribunaux. Trente procès peuvent ainsi être conduits chaque jour, simultanément. Objectif : sécurité et raccourcissement des délais de procédure quand plusieurs procès, concernant les mêmes personnes, sont programmés en même temps.

C’est une affaire monstrueuse et douloureuse que l’on juge ce lundi 23 octobre 2000 à Florence : l’organisation d’une salve d’attentats qui ont coûté la vie à dix personnes le 27 mai 1993. À Milan, Florence et Rome, des voitures piégées avaient tué à l’aveugle, en pleine rue. L’Italie toute entière a encore en mémoire ces violences, ces stragi, qui ont détruit au passage une bonne partie de la célèbre Galerie des Offices de la capitale toscane. Il a fallu près de quatre ans et deux procès, pour juger les 28 mafieux impliqués. Ils font aujourd’hui appel de condamnations allant jusqu’à la perpétuité. Instigateurs, auteurs et repentis, tous dans le même panier. Gros poissons et avocats s’énervent tandis que le procès tarde à démarrer...

Convoquée une heure plus tôt, l’audience n’a toujours pas commencé à 10 heures. Les avocats fument sous des panneaux qui l’interdisent. Entre deux coups d’œils aux moniteurs vidéo sur lesquels ils verront leurs clients, ils improvisent des conférences de presse. Dans la cabine technique, on teste les connexions avec la demi-douzaine d’établissements pénitentiaires d’où les mafieux vont participer à leur procès. On vérifie aussi la bonne marche des lignes téléphoniques. Car il y a des téléphones dans la salle d’audience, un combiné posé devant chaque avocat, sur des tables de bois clair alignées à touche-touche. Pendant le procès, il permettra au défenseur de s’entretenir en privé avec son client. Pour suppléer aux apartés d’audience. Bien entendu, la ligne n’est pas directe : toutes les communications transitent par le technicien du tribunal, tous les numéros s’impriment sur une machine crachotante posée devant les juges. L’impression de contrôle attestera, plus tard, que personne n’a empêché ceux qui doivent le faire de communiquer entre eux, que les droits de la défense ont bien été respectés.

Il a fallu une heure pour tout régler. Quand l’huissier en costume de fil-à-fil gris annonce la Cour, la salle se lève. Sur l’estrade tapissée de moquette vert gazon trône le président, Arturo Cindolo. Il a beau avoir mené peu de vidéo procès - la Toscane n’est pas une terre mafieuse -, il sait que les avocats vont lui rendre la vie difficile. Et pendant longtemps : à cause des multiples affaires en cours de jugement dans lesquelles sont impliqués ceux qui vont être jugés, le procès qui s’ouvre va durer trois ou quatre mois, à raison de deux audiences par semaine, le lundi et le samedi. À peine terminée la lecture de l’ordonnance qui énumère la liste des condamnés en première instance - dont un mort, deux fuyards et un repenti qui fait défaut - les avocats passent à l’attaque. Un, deux, trois reprennent une argumentation unique : « Monsieur le président, le procès ne peut pas se dérouler dans ces conditions, tous les détenus ne sont pas visibles sur l’écran, nous vous demandons de saisir la Cour constitutionnelle. » La Cour se retire pour délibérer. Le président, son assesseur, les six jurés, les quatre suppléants, tous ceints d’une écharpe vert-blanc-rouge, aux couleurs du drapeau italien.

Un tribunal de 10 m2

Que veulent au juste les avocats ? Qu’on agrandisse la taille des écrans suspendus dans la salle, qui conviendraient mieux aux dimensions d’un salon ? Qu’on porte à trois le nombre des moniteurs géants posés sur l’estrade verte, l’un face au tribunal, l’autre face aux avocats ? Non. Ils veulent ce que la technique est incapable de leur fournir : des écrans non pas partagés en quatre images, mais en sept, pour que tous leurs clients soient visibles en même temps. Or, le système leur propose un dispositif bâtard. Trois quarts d’écrans fixes, dont les locataires ne changent pas au fil de l’audience, et le dernier quart mobile, où les autres apparaissent au fur et à mesure des auditions.

Quand la Cour revient, toujours précédée de l’huissier en gris, les jeux sont faits : « Il n’y a pas lieu de saisir la Cour constitutionnelle », énonce le président. Bruits divers dans la salle, mais le procès peut commencer. Il est totalement enregistré et son décryptage écrit confié à une entreprise privée. Débute alors le défilé des détenus, via écran interposé, selon un rituel réglé par la loi. Voilà Toto Riina, le parrain déchu, condamné à vie, détenu à la prison de Ascoli Piceno à 200 kilomètres de là. Face à la caméra, il se tait en attendant que le sous-officier pénitentiaire, placé à ses côtés, décline d’abord leurs identités respectives et certifie la présence du détenu près de lui. L’audience se poursuit au rythme de ces interrogatoires à distance. Un repenti comparaît de dos. Il a changé de visage et ne souhaite pas être reconnu. Un autre apparaît sur l’écran, le visage masqué d’une cagoule noire. Un troisième réfute son avocat. D’autres refusent de comparaître : ils seront représentés par leur défenseur. En quelques minutes, on fait ainsi le tour virtuel d’une demi-douzaine de prisons italiennes. Irréel.

De l’autre côté de l’écran, en prison, le spectacle l’est tout autant. À Rome Rebibia, dans la banlieue de la capitale, les fonctionnaires sont à pied d’œuvre dès 8 heures du matin, pour la deuxième audience du procès, samedi 28 octobre. À l’écart de la zone de détention, dans la première enceinte du domaine pénitentiaire, un bâtiment flambant neuf trône au milieu d’une pelouse où paressent des chats. C’est là qu’on transporte, en minibus, sous la garde d’hommes en gris, les mafieux soumis à un régime d’isolement drastique. Conduit dans une petite salle équipée de caméras et de téléphones, ils participeront à leur procès depuis ce bout de tribunal de 10 m2, en prison. Tests et re-tests techniques avant l’ouverture de l’audience. Essais des caméras transmettant les images par câble, des lignes téléphoniques sécurisées, vérification des lignes de secours, pendant une demi-heure, par le technicien de Philips mis à disposition par le contrat qui lie l’...tat italien à la compagnie. Vérification des cabines téléphoniques permettant aux détenus de parler en privé avec leurs avocats à distance. « Quand c’est prêt, le président ouvre le procès. Mais ce n’est jamais très ponctuel ! », reconnaît un surveillant. Tout ça pourquoi ? À peine une heure de procès virtuel. Giovanni Brusca, le seul détenu de Rome convoqué à l’audience de Florence renonce à comparaître. Son avocat le représentera. Il aurait pu aussi être présent à ses côtés, dans la mini-salle. Escorté par les hommes en gris, Brusca retourne en cellule dans la fourgonnette blanche. Le procès continue sans lui. Dans l’une des petites salles, des surveillants s’attardent un peu devant l’écran divisé en quatre. Connexion terminée. La prison de Rome a disparu du paysage télévisuel.

Trois mille journées d’audience à distance ont été organisées dans la capitale depuis l’entrée en vigueur de la loi de janvier 1998. Expérimentée pendant deux ans, elle a été reconduite fin 2000. Dans toute l’Italie, 13 000 connexions ont eu lieu. « Le système, explique le juge Francesco Patrone, directeur adjoint à l’administration pénitentiaire, avait été testé avant pendant six ans pour entendre à distance les témoins protégés. » Il a ainsi déjà servi à auditionner 24 témoins, dont une dizaine aux ...tats-Unis. Une technique sophistiquée. Les communications sécurisées s’interrompent en cas d’intrusion sur la ligne. Chaque cession permet de mettre en relation, via le câble, 14 localisations différentes. Philips, pour les images et Telecom Italia, pour le téléphone, ont emporté le marché. Bien sûr, le système a connu quelques ratés. Une trentaine de pannes ont conduit au renvoi des audiences et 284 problèmes techniques ont ralenti les procès. Pis, au début, quand les images passaient par le satellite lors des tests, « nous avons été alertés par un homme qui recevait une conversation en direct sur sa télé ! », se souvient Francesco Patrone. À cette époque, de 1992 à 1998, la loi permettait d’entendre à distance les témoins difficiles à transporter ou en danger de mort. Il y a eu encore mieux : « Une interception de conversations entre un avocat et son client », raconte Luca Cianferoni, défenseur de deux accusés du procès de Florence. L’affaire figure en bonne place dans Notizario penale, la revue de l’association des avocats pénalistes italiens. Qui rêvent de voir anéantir cette forme de procédure.

Chiffres interdits

En 1999, ils ont porté la loi devant la Cour constitutionnelle. Sans succès. Ils vont recommencer. Entre-temps, la loi constitutionnelle italienne a changé et offre peut-être prise à de nouveaux pourvois. Argument : le manque de visibilité globale du procès par les accusés. « Dans un procès sécurisé, les prévenus ne voient pas ceux qui sont dans les “cages” à côté d’eux. Pourquoi devraient-ils en voir plus à l’écran ? », plaide Francesco Patrone. Comme la plupart des juges italiens, il défend une procédure sans laquelle la péninsule n’aurait jamais pu s’attaquer au phénomène mafieux. « Avant, ils profitaient des déplacements dans les autres prisons pour renouer des contacts avec des complices. Et perpétrer ainsi, à distance, d’autres crimes. Mon frère a été assassiné de cette façon... », se souvient Ferdinando Imposimato, ancien magistrat du pool antimafia et ancien sénateur (1).

L’Italie est devenue un modèle observé de près par les autres pays européens (lire encadré). « Pour une fois, nous sommes fiers d’être à la pointe du progrès », assène Enrico Ognibene, président de la cour d’assises de Florence. Cinquante nouvelles prisons vont donc être équipées du dispositif de vidéoconférence. Une recommandation de la Commission européenne plaide pour l’adoption du système. Mais il est si coûteux que l’administration italienne rechigne à communiquer sur le sujet. Lors du vote de la loi de 1998, le ministère de la Justice affirmait que sa mise en œuvre se ferait « à coût zéro ». En plaidant l’économie réalisée sur le coût des transports des détenus vers les tribunaux, très élevés du fait des mesures de sécurité et du nombre d’hommes mobilisés pour cette tâche. Aujourd’hui, le coût est devenu tabou, les chiffres interdits. « Plusieurs dizaines de milliards de lires [plusieurs de dizaines de millions de francs] », laisse filtrer Francesco Patrone. En 1998, première année de mise en œuvre de la loi, les seuls frais de fonctionnement du dispositif se sont monté à 55 milliards d’euros (337 millions de francs)... Maintenant que le système est rôdé, la télé justice pourrait cependant être étendue à des procédures plus banales. Et pour une fois, l’Italie pourra dire merci à la Mafia

(1) Auteur de Un juge en Italie, éditions de Fallois.

 
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