Les représentants de l’industrie du disque se sont réunis au Congrès américain pour discuter de Napster. Une rencontre historique, qui a permis de clarifier le débat sur la musique en ligne.
Artistes, maisons de disques, producteurs, distributeurs et Napster lui-même. Ils étaient tous là, mardi 3 avril, réunis devant le comité judiciaire du Sénat américain, pour discuter du cas du site d’échange de fichiers musicaux MP3 et plus généralement, de l’avenir des contenus culturels en ligne (musique bien sûr, mais films aussi). La rencontre était informelle, il ne s’agissait pas de mettre sur pied une réglementation, du moins pas dans l’immédiat. De Napster, il n’aura finalement guère été question en cette journée. L’annonce récente d’un partenariat entre Time-Warner, EMI, BMG et RealNetworks pour mettre sur pied le concurrent légal de Napster, MusicNet, occupait davantage les esprits.
Le vrai faux pirate
C’est peut-être cette initiative qui donnait à la représentante des majors de la RIAA (Recording Industry Association), Hilary Rosen, un ton étrangement serein. Elle a reconnu à demi-mot que l’industrie du disque avait mis du temps à prendre conscience de la révolution du MP3 et que le succès de Napster était dû à une question d’ "opportunité" pour les internautes plus qu’à des velléités de "piratage". Il était temps, souffleront certains. Une relative modération partagée par de nombreux intervenants et notamment, surprise, par les artistes. La Canadienne Alanis Morissette a ainsi affirmé devant le Sénat que Napster et "la plupart des soi-disant pirates travaillaient en réalité en faveur [des artistes]." Elle n’oublie pas que l’affaire Napster a permis aux médias de remettre sur le devant de la scène, le problème des droits d’auteur et des pratiques malhonnêtes de nombreuses maisons de disques...
Un discours apaisant que ne partage pas le représentant des technologies sécurisées de diffusion de musique sur le Web, Gerry Kearby (de Liquid Audio). "Napster prouve que si vous n’imposez pas des tonnes de règles aux gens, ils téléchargeront de la musique", a-t-il martelé, ajoutant : "Je suis effaré qu’un tas de voleurs comme Napster puissent s’en tirer, simplement parce qu’ils ont 60 millions d’utilisateurs (...). Ça me fout les boules, d’autant que j’ai été boy-scout. C’est comme si vous transformiez un dealer en pharmacien, juste parce qu’il vend beaucoup de drogue." On n’imaginerait pas que Liquid Audio et Napster ont failli travailler ensemble !
Une licence moins exorbitante
De son côté, Napster se trouvait bien loin de la véhémence revendicative entonnée par ses fidèles qui manifestaient à l’extérieur du Capitole.Hank Barry, PDG du site californien, s’est prononcé pour une solution de compromis : payer des artistes, oui, mais comme les radios le font, c’est-à-dire en s’acquittant d’une licence mensuelle ou annuelle, redistribuée ensuite aux artistes. Un système beaucoup moins exorbitant que de payer directement les musiciens, à chaque fois qu’ils sont téléchargés. Un argument qui devrait être compris par la RIAA, laquelle l’invoque quand il s’agit, pour elle, de rétribuer les auteurs. Bref, si aucune décision n’a été prise, gageons que le 3 avril 2001 restera comme la date où la question de la musique en ligne aura été clairement exposée pour le Congrès. Et pour l’opinion publique.