"Nous voulons encoder le concept d’altruisme dans des messages interstellaires" [Douglas Vakoch]
Ce chercheur du SETI rêve de conversations "artistiques" avec les extraterrestres
Comment concevoir des messages interstellaires permettant de transmettre l’étendue des expériences humaines sous une forme intelligible pour des civilisations extraterrestres ? Les 23 et 24 mars dernier se tenait à Paris un séminaire pas comme les autres, organisé par le SETI, la célèbre organisation américaine de recherche sur une vie extraterrestre. Une vingtaine d’anthropologues, musiciens, théologiens et chercheurs venus de dix pays différents ont planché sur un problème inattendu : comment encoder le concept d’altruisme ? Douglas Vakoch, membre du Seti et organisateur de cette rencontre "extraterrestre", nous explique l’importance de cette question.
Pourquoi avoir choisi l’altruisme comme thème central de cette rencontre sur la façon d’élaborer des messages interstellaires ?
L’altruisme était un concept très utile pour guider notre réflexion : il nous montre les limites du savoir scientifique pour exprimer un concept. Nous pouvons expliquer quelques manifestations de l’altruisme grâce à la biologie, à travers par exemple le besoin de prendre soin de ses proches. On peut aussi décrire l’altruisme en utilisant les notions de base des mathématiques et de la science, comme les théories du jeu. Mais la science a ses limites et nous nous apercevons qu’il faut recourir à d’autres voies, comme l’art, pour exprimer l’une des plus hautes aspirations humaines : aider les autres, même au prix de son bien-être.
Qu’avez-vous découvert au cours de la réunion ?
En deux jours, nous n’avions évidemment pas l’espoir d’arriver à composer des messages. Mais chaque participant a pu exposer ses idées sur la façon de composer des messages intelligibles. Notre débat autour des limites de chaque discipline nous prépare au défi que devront relever les scientifiques si un jour nous détectons un signal provenant d’une civilisation extraterrestre. Voilà pourquoi, durant toute la réunion, les artistes, les scientifiques et les chercheurs ont à chaque fois confronté leurs propres visions de ce qui est universel et de ce qui ne l’est pas.
Quelle forme pourraient prendre ces messages, selon vous ?
Nous n’avons pas de certitudes, seulement des pistes. L’une des contributions les plus intéressantes a été celle du compositeur expérimental David Rosenboom, qui nous a proposé des créations musicales incomplètes, de manière à engager une interaction avec la civilisation extraterrestre dans la conception définitive du message. Une façon de faire participer l’autre à la composition, pour trouver la forme juste. Nous avons également discuté du format que pourraient prendre ces messages. Nous avons par exemple parlé d’algorithmes informatiques ou d’un jeu utilisant des animations en trois dimensions, que nous enverrions grâce aux techniques existantes : par ondes radio ou par de très puissantes impulsions laser.
Comment financez-vous ce projet et votre fondation ?
Notre travail sur les messages interstellaires est rendu possible grâce à l’aide de la fondation philanthropique John Templeton. Le SETI est quant à lui financé à moitié par des donations privées. L’autre moitié de nos fonds pour la recherche et l’astrobiologie vient du gouvernement américain, au travers d’administrations comme la National Science Foundation.
Croyez-vous que des extraterrestres recevront un jour nos messages ?
Aujourd’hui, nous n’avons aucune preuve de l’existence d’une autre vie intelligente. Mais ces dernières années, les astronomes ont détecté plus de 100 planètes hors du système solaire. Dans les prochaines décennies, il pourrait y en avoir des centaines de milliers. Je suis donc plein d’espoir. Pour l’instant notre travail consiste à réfléchir au type de message que nous pourrions transmettre, mais sommes évidemment encore loin de l’élaboration d’un programme de transmission.