La loi sur la société de l’information comportera des nouveautés qui nécessitent encore quelques arbitrages.
Création du droit de réponse sur le Net
La jurisprudence était balbutiante en la matière. La loi entend fixer un cadre précis : "toute personne nommée ou désignée dans un service de communication en ligne [un site web, NDLR] dispose d’un droit de réponse". Le délai pour exiger ce droit de réponse est fixé à huit jours après la disparition sur le site du message motivant la riposte. Autrement dit, tant qu’un propos est en ligne, il peut se voir apposer un droit de réponse. Une règle d’exception, "spéciale internet" puisque le délai normal, dans la loi sur la presse, est de trois mois après diffusion. Cette disposition ne serait-elle pas un moyen de confirmer la notion de "publication permanente" avancée par les juges contre la prescription de trois mois des délits de presse sur les réseaux ?
Le CSA et les sites
La LSI devrait accorder quelques compétences au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dont l’ex-président, Hervé Bourges, avait espéré faire un temps le "régulateur de l’Internet". Dès sa prise de fonction, son successeur, Dominique Baudis, a soutenu qu’il serait logique que les sites des chaînes de télé et des radios relèvent de la compétence du CSA. Dans l’avant-projet de loi, la question semble quasiment réglée entre le ministère de l’...conomie et celui de la Culture. Les sites des émissions soumises à une autorisation d’émettre par le CSA feront partie des critères pris en compte par l’autorité pour donner son accord.
Par ailleurs, Bercy entend confier un rôle de veille au CSA. D’après les propositions du secrétariat d’...tat à l’industrie, l’autorité pourrait émettre des recommandations lorsqu’elle constate un manque de pluralisme politique sur les sites. Pas évident à appliquer... Mais ces conseils devraient en plus couvrir un domaine de compétence traditionnel du CSA, "les émissions politiques à caractère publicitaire", normalement interdites. Question : les neuf sages vont-ils devoir éplucher tous les sites persos des hommes politiques ?
Enfin, Bercy voudrait donner au CSA la possibilité de saisir le conseil de la concurrence lorsqu’il constate "des pratiques susceptibles de porter atteinte au libre exercice de la concurrence dans le secteur des communications en ligne". Sur ce point, le ministère de la Culture propose que ce soit le ministère des Finances qui saisisse le Conseil de la concurrence.
Dépôt légal : l’aspirateur géant ?
Parmi les propositions les plus étonnantes concernant la liberté de communication figure le dépôt légal. L’Industrie, tout comme la Culture, veulent étendre cette disposition aux sites internet. Traditionnellement, les articles de journaux et les émissions de radio ou de télé sont déposés auprès d’une autorité juste avant la communication au public. En cas de pépin, le dépôt fait foi. Selon toute vraisemblance, ce sera la même chose pour Internet. Les éditeurs de sites mais aussi les hébergeurs (seulement dans la version du ministère de la Culture) qui mettent à disposition "tous signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature" seront soumis au dépôt légal. Dans chacune des versions proposées par les ministères, la tâche de collecte reviendrait aux autorités compétentes (comme la Bibliothèque nationale, l’Institut national de l’audiovisuel ou le ministère de l’Intérieur...). Qui devront archiver tous les types de données énumérées précédemment ! Bercy propose même d’obliger les sites qui protègent leur accès par mots de passe à laisser entrer les machines des autorités en question.
Si la mesure semble difficilement crédible vu l’ampleur de la tâche, la collecte ne devrait être que partielle. La loi prévoit d’ailleurs que les autorités peuvent se contenter de sélections et exempter certaines publications de ce dépôt. Reste à savoir selon quels critères. Car si elle s’appliquait de manière drastique aux sites personnels, ce dépôt légal apparaîtrait avant tout comme un nouveau moyen octroyé aux titulaires de droits d’auteur pour verrouiller le système. Le ministère de la Culture, qui en décembre n’avait pas encore choisi entre une loi d’"institution ou d’expérimentation" du dépôt légal en ligne semble toutefois plaider pour une dépénalisation du défaut de dépôt légal. Jusqu’à présent, c’est 500 000 francs d’amende.
Parmi les autres dispositions...
Bercy propose que tout site internet dispose d’un directeur de publication. Cette disposition faisait l’objet d’une ambiguïté lors du vote de l’amendement Bloche, la loi faisant référence à un directeur de publication sans l’instituer spécifiquement. Le problème : tout directeur de publication doit être majeur. On voudrait empêcher des gamins de faire des sites hors du contrôle de leurs parents qu’on ne s’y prendrait pas mieux.
D’après l’avant-projet, la loi sur la société de l’information pourrait inclure des dispositions modifiant la loi sur les archives. Le choix définitif et le détail des mesures n’était pas connu début décembre.