"Tim Tom", un court métrage d’animation français qui fait l’unanimité dans les festivals
Tim et Tom, deux petits personnages animés héros d’un court métrage, deviennent des stars. Réalisé par les jeunes Français Romain Segaud et Christel Pougeoise, ce film qui a remporté de nombreux prix dans des festivals internationaux vient d’être à nouveau primé le 6 septembre 2003, en Autriche, lors du festival Ars Electronica consacré à l’art numérique. Minimaliste, Tim et Tom est un des 25 films de fin d’études produits chaque année à Supinfocom, l’école française d’images de synthèse basée à Valenciennes. Pour la société One plus One qui les distribue, ces films, comme les autres courts métrages d’animation, rapportent peu mais sont porteurs d’avenir.
Le doigt réprobateur du créateur de Tim et Tom (DR)
Ne s’exprimant que par les pages du carnet à spirale qui leur sert de tête, Tim et Tom sont deux petits héros animés qui luttent contre la main de leur créateur pour se rencontrer. Filmé en noir et blanc dans un décor minimaliste, ce court métrage de 4 mn 17 s rappelle la liberté de forme des dessins animés de Tex Avery et l’expressionisme sombre de Vincent Price, de Tim Burton.
Copenhage, San Diego, Linz, Monaco...
Tim Tom fait l’unanimité. Réalisé en 2002 au terme de deux ans d’études à Supinfocom, ce film n’en finit pas de remporter des distinctions dans le monde entier : grand prix Imagina en février 2003, prix du jury au salon professionel d’infographie Siggraph de San Diego en mai 2003, prix "lumière virtuelle" des 3D Awards à Copenhague, nomination au festival du film indépendant de Sundance, etc.
Romain Segaud est parti cette semaine à Linz, en Autriche, pour recevoir le prix d’infographie du festival international d’art numérique Ars Electronica (lire notre article). "C’est sympa d’aller dans les festivals. On fait souvent le voyage à plusieurs, avec les autres élèves de l’école nominés", explique cet infographiste de 22 ans qui imaginé l’idée du film et a dessiné les premiers croquis, au début de sa scolarité à Supinfocom.
Le film a été réalisé en deux ans, dans le cadre d’études menées à l’école d’infographie de Valenciennes. Une école que les représentants d’Ars Electronica considèrent comme une "fabrique d’élites de l’animation". La première année a été consacrée au scénario et à la préproduction, la seconde à la réalisation. Romain Segaud et Christel Pougeoise ont travaillé sur Maya, le logiciel de référence en images de synthèse utilisé pour Le Seigneur des anneaux ou Final Fantasy.
Romain Segaud reçoit un prix des mains de Shelley Page, de DreamWorks, aux 3D Awards à Copenhague (DR)
"Crise de l’image"
"C’est vrai que nous avons produit dans des conditions privilégiées mais le budget du film se résume à deux ordinateurs, plus notre temps de travail" souligne Christel. Pour cette Lilloise de 24 ans, le film a du succès car il met moins en avant la technique spectaculaire que les autres courts d’animation présentés dans les festivals.
Christel Pougeoise a travaillé six mois au cours de l’année passée, en tant qu’intermittente du spectacle, pour une société lilloise spécialisée dans les rendus en 3D destinés aux jeux vidéo. Elle se réjouit de partir bientôt en Angleterre pour travailler enfin sur un long métrage, produit par la société Vanguard. "Ils connaissaient déjà notre film. C’est sûr que ça aide...", souligne-t-elle.
Tim Tom semble être un bon atout contre ce que Romain appelle la "crise de l’image". "Depuis les attentats, il n’y a pas beaucoup d’opportunités pour faire des choses dans le secteur", explique le jeune infographiste, qui a rejoint il y a un an la fameuse boîte de post-production française Mac Guff Ligne, responsable des effets spéciaux du Blueberry de Jan Kounen. "Je bosse sur la série Pat et Stanley, qui passe le matin sur TF1. C’est le réalisateur qui m’a contacté, après avoir vu Tim Tom. Mais ce n’est pas si facile pour tous les élèves."
Une bien belle carrière
Chaque année, Supinfocom "produit" environ 25 films de fin d’études comme Tim Tom. Depuis 2000, la société One plus One est le distributeur exclusif de ces courts métrages dont elle compte une centaine dans son catalogue. "Nous avons beaucoup de très bonnes choses mais c’est vrai que Tim Tom a une carrière exceptionnelle", explique Maud Bonassi, responsable des courts métrages dans cette société française d’une quinzaine de personnes, créée fin 2001.
One plus One est distributeur de Tim Tom mais Maud Bonassi dit aussi jouer le rôle d’agent pour promouvoir le film dans les festivals, en vertu du contrat avec Supinfocom. Elle a déjà réussi à vendre le film plusieurs fois, notamment à Canal Plus qui l’a diffusé début 2003, ainsi qu’à ses filiales étrangères (Pologne, Suède, Belgique...). D’autres chaînes se sont portées acquéreuses, en Italie, au Japon et en Espagne.
"Sur Canal, on a vendu le film 600 euros la minute mais sur les autres chaînes, le prix tourne en général autour de 100 euros la minute" explique Maud Bonassi. Hormis la télévision, One plus One prévoit d’insérer bientôt Tim Tom dans des DVD thématiques de courts métrages. Et l’agence a réussi à vendre le film comme avant-programme d’un long métrage en salles à paraître, pour un prix avoisinant les 4500 euros.
Un bon investissement... sur le futur
"Les revenus sont très faibles. C’est ça, l’économie du court métrage... souligne Maud Bonassi, qui travaille seule, aidée d’un stagiaire, au pôle court métrage de One plus One. Nous sommes à l’équilibre. Les courts métrages financent juste nos deux postes."
Chaque année, environ 500 court métrages sont produits en France. Parmi les quatre sociétés présentes sur le marché français, One plus One se revendique premier distributeur en termes de chiffre d’affaires.
Si One plus One distribue les films étudiants de Supinfocom, c’est que les courts métrages représentent un investissement pour l’avenir. "Les films d’animation français ont une très bonne image à l’étranger", souligne Maud Bonassi. "Le court est pour nous un vivier de jeunes réalisateurs et producteurs créatifs. C’est un tremplin potentiel pour le futur, quand ils travailleront sur des longs-métrages", explique la distributrice. Les parents de Tim et Tom ne sauraient la faire mentir.