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1er/02/2001 • 19h19

La grande e-vasion

archmag11
Un autre regard sur l’univers carcéral d’où, chaque semaine, les prisonniers peuvent s’évader... virtuellement.

Dittmar est prévoyant. En sortant de sa cellule, dans le bâtiment 5 de la prison de Tegel, à Berlin, il a glissé deux pommes vertes dans un sachet de plastique qu’il balance nonchalamment en traversant la cour. En prison, le temps ne compte pas. Et pourtant ses pas claquent, rapides, sur le pavé de l’allée qui le conduit vers la salle informatique. Quatre ans déjà qu’il est enfermé là - et pour longtemps encore -, dans la plus grande prison d’Allemagne, parmi 1 700 autres détenus. Cette bâtisse de sept étages est une HLM carcérale contemporaine, plantée un peu en retrait d’un domaine en brique rouge, muré derrière une immense enceinte, et vieux de plus d’un siècle. Direction le bâtiment 6, pour un rendez-vous avec l’évasion virtuelle... Dittmar ne prépare pas un mauvais coup. Juste une petite sortie sur le Net. Une séance de lecture et d’envoi d’e-mails, en toute quiétude, avec la bénédiction de l’administration. Car voilà deux ans qu’à Tegel on s’est résolu à considérer qu’à chaque homme suffit sa peine, et que les tribunaux qui confisquent la liberté des condamnés n’édictent pas leur exclusion totale du monde. Deux ans que la prison se montre sur le Web grâce à son site planet-tegel.de, animé par les détenus et une équipe éducative. Mais ce n’est que depuis mai 2000, qu’une quinzaine de prisonniers sont autorisés à échanger des courriers électroniques. En différé pour la plupart et en direct pour deux d’entre eux. Sans aucune censure.

Ce soir, comme tous les jeudis, Dittmar chemine donc à la rencontre du monde, les yeux pétillant derrière ses épais verres de myope. Au poste de garde, il se fait ouvrir les portes et entreprend un rituel déjà immuable. Déplacer l’ordinateur d’une pièce à une autre, extraire le modem de sa boîte en carton, brancher, connecter, cliquer dans Outlook et s’extasier : « Pas mal ! 19 messages aujourd’hui ! » Bonne moisson. Quelques messages personnels qu’il faudra imprimer pour les remettre à leurs destinataires. Ils y répondront plus tard : seuls Dittmar et Mufty, un autre détenu, sont autorisés à accéder à la pièce magique et à dialoguer en direct. Sur l’écran, ce soir-là, s’affiche une missive en forme d’appel au secours. Elle émane de Marlie, la femme d’un détenu enfermé depuis peu dans une autre prison berlinoise : « Bonjour, dit-elle. Je dois actuellement affronter une situation nouvelle pour moi. Mon mari vient d’être emprisonné à Munchen Stadelheim. J’ai découvert votre site, c’est vraiment bien, je souhaiterais rester en contact avec vous. » Dittmar ébauche une réponse en tapant maladroitement sur les touches. « Je n’ai pas encore pris le coup de main », s’excuse-t-il.

Seigneur moderne

Il est pourtant l’un des premiers à avoir rejoint Planet Tegel, nom du site de la prison, un projet éducatif, prélude à la communication électronique avec l’extérieur. Autour de l’initiative se sont greffés des volontaires. Ils constituent le petit groupe « Internet Tegel » qui se réunit chaque lundi : c’est le jour de la réponse au courrier pour ceux qui ne sont pas admis à la séance du jeudi. Comme toujours dans les univers carcéraux, tous ont été sélectionnés en fonction de leur bonne conduite en détention. « J’y suis venu pour garder mon cerveau actif. Je n’avais pas envie de passer toutes ces années à regarder la télévision, explique Dittmar. En prison, les jours se ressemblent. Travailler sur un ordinateur, parler de la prison aux gens de l’extérieur, ça me semblait bien. » À 38 ans, cet ancien camionneur ne veut pas sombrer dans la torpeur. Aussi ne se fait-il pas prier quand, un jour de 1998, il découvre une affichette appelant à une réunion autour d’un projet internet. Attablé devant une assistance incrédule, il découvre Roland Brus. Que va sortir de sa manche ce saltimbanque qui anime déjà des ateliers d’expression au sein de la prison ? Une idée. Directeur d’une troupe de théâtre berlinoise, à l’affût d’activités plus riches pour ses élèves emmurés, l’homme mûrit en secret un projet élaboré avec un ami, designer en informatique : créer un site web à Tegel. « Je voulais faire connaître les aspects concrets et sociologiques de la vie en captivité. C’était une sorte de travail archéologique à mener avec les détenus. Ils sont murés dans le silence. Ils n’aiment pas se livrer. » À l’époque, le mail n’est pas d’actualité. Mais il fait partie du projet. En attendant, il faut convaincre le directeur de la prison, les autorités judiciaires et même les détenus. « Pour eux, Internet c’était vraiment trop abstrait. Quand on vit entre quatre murs, le Réseau mondial ça n’évoque pas grand-chose. »

Il emporte l’adhésion d’un petit groupe de prisonniers, puis celle du directeur, gagné aux arguments de cet artiste qu’il respecte. Brus a dirigé un théâtre renommé, il travaille depuis deux ans en prison et a pris soin d’associer au projet un consultant en informatique, Jörg Heger, qui anime lui aussi des activités derrière les barreaux. « Mon seul souci, c’était de m’assurer que les détenus ne pourraient pas charger des pages, et que le site ne véhiculerait ni pornographie, ni idées racistes ou nazies », explique Klaus Lange-Lehngut, directeur de Tegel depuis 16 ans. Les trois PC, configurés sous l’œil attentif d’un responsable de la prison, ne permettront donc jamais de surf. Proche de 50 ans, tiré à quatre épingles, l’homme qui dirige le pénitencier depuis un bureau installé dans l’un des clochers de l’église de la vieille prison, jouit d’une réputation de fonctionnaire libéral. Seigneur moderne à l’allure un peu raide, il vante aujourd’hui le bien-fondé de l’entreprise. « Ce projet arrivait au moment où tout le monde parlait d’Internet. Pourquoi ne l’aurait-on pas utilisé pour favoriser l’expression des détenus ? » Les autorités judiciaires de Berlin, elles, bloquent un peu. Mais trois mois plus tard arrive la bénédiction du Senatsverwaltung für Justiz (l’équivalent d’un ministère local de la Justice). Trois autres mois de travail avec 15 détenus, deux fois par semaine, encadrés par Brus et Heger, et le site est fin prêt. Inauguration en fanfare, le 11 décembre 1998, en présence de la presse. Souvenir ému : « C’était vraiment chouette de voir tout ce monde en prison et de pouvoir présenter notre site ! », se remémore Dittmar. Le résultat est à la hauteur des espérances : la planète Tegel, comme si on y était, s’affiche aux yeux du monde. Cellules, vues aériennes du domaine, salles d’activité, poèmes, références intellectuelles à la prison (Foucault,) mais aussi des coups de gueule contre la solitude, l’enfermement et les conditions de détention. La direction n’opposera aucune censure aux paroles des détenus. « Même si je ne suis pas d’accord avec tout ce qui se dit », note Klaus Lange-Lehngut. Rien ne manque à cet outil passe-muraille, véritable appel à l’évasion numérique.

La boîte aux lettres affichée sur le site se remplit au rythme de la médiatisation ambiante. On s’étonne, on encourage et, plus rarement, on critique. Quelques internautes s’offusquent. « Des messages reprochaient à la direction de nous laisser faire de l’ordinateur. Ce sont toujours les mêmes a priori sur la prison, certaines personnes imaginent que nous sommes traités comme à l’hôtel ! », ironise Mufty qui purge à Tegel une peine à perpétuité. Des dizaines de mails affluent, réceptionnés par Jörg Heger, responsable de l’atelier web. Il les récupère chez lui, les imprime et les ramène à la prison pour les faire lire aux détenus. Dans la foulée, un rituel s’instaure à la réunion du lundi soir. « Au début, raconte Dittmar, on se distribuait les mails, on rédigeait les réponses et Jörg, l’enseignant, les récupérait pour les envoyer depuis son ordinateur. » Laborieuse interactivité à distance. Au bout de deux ans, la direction autorise le raccourcissement du circuit : désormais, Dittmar et Mufty se chargent d’envoyer les mails après la réunion. « Je voulais d’abord voir comment le site fonctionnait », justifie le directeur de la prison. Jörg Heger, lui, propose une autre version : « Sa réflexion a évolué au fil des années. Et lorsqu’il a acheté un ordinateur, sa vision des choses a changé... » Brandissant son Palm III, Klaus Lange-Lehngut corrige : « Pas du tout ! J’ai un PC depuis des années ! » Mais une connexion au Réseau depuis seulement deux ans... En tout cas, les détenus ne se plaignent pas. De nombreux internautes manifestent leur étonnement de découvrir une prison en ligne, félicitent directement les auteurs du site ou demandent des infos sur la prison et le projet internet. « C’est hallucinant, des messages nous arrivent de partout. Un ancien taulard nous a écrit d’Arabie Saoudite ! », s’amuse Dittmar.

Code couleur

Les mails entrants ne sont pas plus filtrés que le courrier papier, sur lequel toute censure a été levée dans les prisons du Länd depuis le début des années 80. « De toute façon, précise Jörg Heger, le projet ne peut survivre que si les échanges avec l’extérieur restent impersonnels et en relation stricte avec la vie du site Planet Tegel. Sinon, comment expliquer que seuls quelques détenus pourraient bénéficier de ce moyen de communication privilégié, et pas l’ensemble ? » Mufty, le détenu chargé de réceptionner les mails avec Dittmar acquiesce : « Si ça devient privé, il vaut mieux continuer l’échange par lettre... » Conscients des limites du projet, les deux « élus » du groupe internet n’entendent pas mettre leur activité en péril. Même si, disent-ils, « on aimerait avoir plus de temps pour répondre aux mails le jeudi ».

Il n’empêche. Des liens dedans-dehors se sont créés. Et quelques membres de l’atelier internet se sont constitués un code couleur pour savoir à qui s’adressent les correspondances. Orange pour Dittmar, rouge pour Mufty, brun pour les mails qui concernent l’ensemble du groupe internet. Et vert pour Matthias qui entretient une relation d’amitié avec Hans, un internaute Berlinois. « Au début, on parlait du site puis de la vie en prison et c’est devenu plus personnel, alors maintenant on s’envoie des lettres une fois par semaine. C’est plus pratique que d’attendre l’impression des mails », lance ce jeune homme de 28 ans qui a rejoint l’équipe depuis six mois. Cheveux long attachés par un élastique, casquette Fila vissée sur la tête, c’est un fan de la série Star Trek, dont il récupère des images via le courrier électronique. Car sur la messagerie de Tegel, les prisonniers peuvent aussi recevoir des fichiers attachés. Dittmar s’empresse d’en faire la démonstration. « Là, c’est une jeune femme qui travaille dans un hôpital psychiatrique où ils ont aussi un projet sur Internet : elle nous a envoyé sa photo. » L’ordinateur du bâtiment 6 recèle ainsi beaucoup de surprises. Des images marrantes, des BD, des portraits envoyés aux détenus. Matthias les collectionne et s’en sert pour décorer sa cellule. « Il y a encore trop de blanc sur mes murs », soupire-t-il.

« Bonnes fêtes et bons baisers »

Une grosse dizaine de messages arrive chaque semaine sur kontact@planet-tegel.de. La plupart réagissent à la qualité du site.

De Christoph

Message envoyé vendredi

22 décembre 2000 :

« Salut, j’ai entendu parler du site par un journal professionnel. Y a-t-il déjà des fanas d‘informatique parmi les prisonniers ? Y a-t-il des possibilités de chat et d’e-mail ? Ils sont sûrement contrôlés mais pourtant ça reste un bon moyen d’entretenir des contacts avec le monde extérieur. Je souhaite aux prisonniers et aux personnels de bonnes fêtes de Noël. Bons baisers. »

De Demiar, résidant à Francfort

Message envoyé jeudi

21 décembre 2000 :

« Je viens juste d’aller sur votre site. C’est très intéressant... et aussi étonnant. Des expériences qu’un homme qui n’accorde pas autant d’importance au temps peut à peine appréhender... J’aimerais volontiers rester en contact avec des mecs intéressants. »

 
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