Les principaux producteurs de biens de grande consommation ont créé leur place de marché. La puissance d’achat du consortium est considérable. Faut-il craindre des dérives oligopolistiques ?
En mars 2000, les concurrents Nestlé et Danone ont fait sensation en annonçant leur alliance au sein d’une place de marché commune, baptisée CPGmarket.com. Objectif : gérer tous leurs achats (matières premières, produits d’emballage, mais également achats hors production). En décembre 2000, ils ont convaincu 24 des plus importants producteurs européens de biens de grande consommation de les rejoindre. SAPmarkets, joint-venture entre SAP et Commerce One, spécialisée dans le développement de solutions technologiques pour les places de marché, s’est également associée à l’aventure. Ces bonnes fées n’ont pas lésiné, dotant CPGmarket.com d’un capital de 121 millions de francs suisses (près de 80 millions d’euros).
Difficiles à chiffrer
Pour l’instant, elles peuvent déposer des appels d’offres en ligne puis mener la négociation en ligne au moyen d’enchères inversées. Les achats sur catalogues entrent tout juste en opération. Mais d’autres développements sont prévus. "D’ici à juin 2001, nous lancerons e-Fulfillment, un outil de gestion logistique, et e-Intelligence, qui fournira des données statistiques sur les marchés traités sur CPGmarket.com", affirme Yves Barbieux, président de la place de marché. Mais, pour l’heure, les économies sur les coûts des achats, sont encore difficiles à chiffrer. "L’expérience acquise par des places de marché horizontales pour les achats de fonctionnement laisse prévoir une baisse d’au moins 15 à 20 %", avance néanmoins Yves Barbieux.
Impacts anti-concurrentiels limités
Les prix des produits échangés sur la place de marché vont-ils également baisser ? La création d’un consortium à la puissance d’achat considérable laisse en effet craindre une accentuation de la pression sur les fournisseurs, voire des dérives vers des centrales d’achat. "Mettre en commun des moyens financiers pour développer des outils technologiques n’équivaut pas à constituer un trust", s’énerve Yves Barbieux. De fait, c’est le regroupement de plusieurs entreprises pour faire leurs achats qui est répréhensible, pas l’utilisation d’une même plate-forme pour gérer chacune séparément leurs achats. Pour l’instant, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne n’a pas émis d’opposition. Au contraire, dans son avis rendu pour autoriser la création de MyAircraft.com (place de marché américaine spécialisée dans l’aéronautique), elle semble estimer que puisque "parallèlement aux marketplaces BtoB, d’autres circuits commerciaux continueront d’exister", les impacts anti-concurrentiels devraient être limités.
Abus de position diminante
Reste que la modification des rapports de force entre acheteurs et fournisseurs alimente des craintes d’abus de position dominante. En effet, vu les volumes d’achat que devrait centraliser CPGmarket.com, il deviendra vital pour les fournisseurs d’y participer, et nul ne sait ce qu’il leur en coûtera. Pour l’instant, c’est l’hébergement de pages de catalogue qui est facturé, "entre 10 000 et 100 000 euros", d’après Yves Barbieux. Mais demain, une intégration plus poussée demandera la mise en œuvre d’infrastructures plus complexes, donc plus coûteuses. Une contribution sera alors vraisemblablement demandée aux fournisseurs. Ceux qui ne pourront payer risquent-ils l’exclusion de CPGmarket.com ? Là encore, Yves Barbieux rejette en bloc ces soupçons. Pour lui, "l’arrivée du BtoB sur Internet ne change pas les acteurs du commerce interentreprises. Les places de marché électroniques ne créeront pas de positions dominantes, pas plus qu’elles n’en supprimeront".