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Christian Paul invente le Forum des droits sur l’Internet
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Chargé par Lionel Jospin d’une mission sur la corégulation de l’Internet, Christian Paul a remis son rapport jeudi matin. L’organisme de concertation imaginé par le député socialiste s’appellerait le Forum des droits sur l’Internet. Les différents acteurs d’Internet tenteraient d’y faire coïncider leurs intérêts...
Christian Paul l’avait annoncé : l’organisme de corégulation de l’Internet, auquel Lionel Jospin lui avait demandé de réfléchir, ne serait pas une autorité administrative indépendante, encore moins un organe de sanction. Le député a finalement rendu son rapport, jeudi 29 juin, et a précisé sa vision d’un futur Forum des droits sur l’Internet. Selon lui, cet organisme serait un espace de rencontre, composé d’"experts" mais au sein duquel tous les internautes potentiellement intéressés pourraient donner leur avis. Il serait destiné en grande partie à émettre des recommandations sur les problèmes juridiques posés par le réseau.
Au terme de six mois de consultations tous azimuts, le parlementaire pose donc sa vision de la corégulation, proposant un organisme de concertation qui tenterait de dégager des consensus, tout en mettant en présence des acteurs aux intérêts divergents. Y parviendra-t-il ? Rien n’est moins sûr. Mais il entend conforter le postulat de base de la corégulation, rappelé tout au long du rapport : pour être rassurant aux yeux du grand public, le Réseau doit être fiable. À cette fin, on doit impliquer les acteurs, les organes de régulation traditionnels n’étant plus à même de juguler à eux seuls les nouveaux flux d’information. Des initiatives d’"autorégulation" ont vu le jour , comme les chartes, codes de bonne conduite, solutions de filtrage des contenus offensants ou labels. Selon Christian Paul, le rôle de l’organisme serait de les encourager.
Organisme inspiré du W3C
Conçu comme un "espace de rencontre décloisonné", le Forum des droits sur l’Internet, financé par des fonds publics, servirait à éclairer en amont le travail du législateur. Il remplirait par ailleurs des missions d’ordre très général, en entretenant une présence dans les instances internationales, en organisant la médiation entre de grandes catégories d’acteurs de l’Internet (par exemple dans le domaine de la distribution musicale), ou en favorisant la "sensibilisation du public", l’autorégulation commençant parfois par la simple information.
Pour définir le fonctionnement du futur Forum, Christian Paul prend volontiers pour exemple des organismes comme le W3C, consortium qui rassemble des acteurs différents du Réseau pour définir des standards techniques de l’Internet.
Le Forum serait composé de trois cercles successifs. Au centre, le conseil permanent (15 membres). Deuxième cercle : "les membres associés" (non limités en nombre) venus d’associations qui adhéreraient au forum ; groupements d’utilisateurs d’un côté, associations professionnelles de l’autre. Chacun de ces deux collèges élirait quatre représentants au conseil (voir schéma), celui-ci étant complété par des représentants des pouvoirs publics (4) et des "personnalités qualifiées" élues (3). Le troisième cercle serait composé de l’ensemble des internautes prenant part aux débats en ligne, les discussions demeurant pilotées par le conseil permanent de 15 membres.
Majorité qualifiée
Leur rôle ? ...tablir des recommandations à l’attention des pouvoirs publics. Mais le processus d’élaboration de ces recommandations semble bien compliqué. Le gouvernement, le parlement ou une autorité administrative indépendante (type CSA) lance un thème de débat ? Le Forum est obligé de s’en saisir. En revanche, si un "membre associé" ou un conseiller désire ouvrir lui-même le débat, il doit avoir l’assentiment du conseil à la majorité qualifiée, soit 11 personnes sur 15. Puis le conseil doit consulter le gouvernement pour "vérifier l’existence d’un accord au moins tacite sur l’ouverture de la discussion". Ensuite, chaque synthèse des débats doit être approuvée par le conseil à la majorité qualifiée jusqu’à la décision finale qui donnera lieu à une recommandation ! Autant dire que s’il était mis en place, le système, qui a le mérite de chercher à associer tout le monde, risque de se limiter à des questions extrêmement consensuelles.
Ce consensus serait d’autant plus difficile à trouver qu’il chercherait à promouvoir l’autorégulation. Un domaine dans lequel les entreprises et les associations d’utilisateurs risquent de se heurter de front. Comment ces dernières légitimeraient-elles des systèmes de filtrage déjà fortement critiqués, comme le mentionne le rapport lui-même ? Comment encourageraient-elles des labels ou des chartes, que les entreprises peuvent s’abstenir d’appliquer ? Le rapport de Christian Paul ne nie pas l’insuffisance des expériences menées en matière d’autorégulation. Mais le Forum ressemble davantage à un lieu d’encouragement qu’à un espace de critique, le rapport se bornant à évoquer "le cas échéant, une mission d’évaluation des codes de conduite, (...) selon la crédibilité qu’aura su gagner l’organisme". C’est bien là toute la question. Christian Paul reconnaît lui-même dans son rapport que les organismes dont il s’inspire fonctionnent très bien pour des choix techniques mais beaucoup moins bien lorsqu’ils sont confrontés à des enjeux de pouvoir...
La mission Christian Paul en 3 dates
Novembre 1999 : Lionel Jospin charge Christian Paul d’une mission sur un futur organisme de "corégulation" de l’Internet
Février 2000 : Christian Paul remet son rapport d’étape
29 juin 2000 : Remise du rapport de mission au Premier Ministre
Les principaux points du rapport
• Créer un Forum des Droits sur l’Internet, à mi-chemin entre un conseil d’éthique et un forum de discussion géant.
• Statut : association loi de 1901, financement à 100 % public. Son existence pourrait être mentionnée dans une loi.
• Pilotage : un conseil de 15 membres. En partie élus par des représentants des associations professionnelles et non-professionnelles, et en partie nommés par les pouvoirs publics (voir schéma).
• Pouvoir : ne peut pas prendre de sanction ni édicter des normes. Il émet des recommandations
• Rôle : l’instance doit permettre aux différents acteurs de l’Internet de dialoguer et doit informer le public
• Le forum a aussi pour but de proposer des solutions aux problèmes juridiques posés par Internet, et d’apporter une expertise, pour susciter le débat en amont du processus législatif
• L’organisme encourage les initiatives d’autorégulation proposées par les entreprises et les citoyens, comme les chartes de bonne conduite, les labels et les filtres