Sorti le 19 janvier, Surveillance électronique planétaire est la version française et réactualisée du rapport qui révéla au grand public l’existence du programme d’écoutes Echelon. Portrait de son auteur, Duncan Campbell, qui fouine depuis 20 ans dans les arcanes des services de renseignements.
Avec son sac à dos et ses chemises à carreaux, Duncan Campbell a tout de l’universitaire écolo et bonhomme. Mais ne vous fiez pas aux apparences : l’...cossais, qui court le monde et les conférences, est l’un des journalistes d’investigation les plus incisifs du Far West high-tech. Planqué derrière des lunettes à cul de bouteille, il explique d’une voix posée que ses révélations sur ...chelon, le réseau anglo-saxon d’interception des communications mondiales, reposent sur plus de 20 ans d’enquêtes. Et que son travail, qui a débouché sur une commission d’enquête du Parlement européen, n’a rien d’un délire paranoïaque, comme certains de ses détracteurs aimeraient le faire croire.
Le business de la N$A
Sa carrière de fouineur démarre dans les années 70. Campbell suit alors des études de physique à Oxford. Mais à l’atmosphère feutrée des labos universitaires, il préfère rapide -ment le terrain et tâte du journalisme. Au point d’être arrêté, en 1976, par le contre-espionnage britannique. Duncan a 24 ans et il vient de publier, dans le journal de gauche Time Out, une enquête sur une installation gouvernementale de surveillance électronique. Opiniâtre, l’étudiant a découvert un code utilisé pour désigner les bases secrètes de l’armée. L’affaire lui vaut 18 mois de poursuites judiciaires : les autorités britanniques, qui redoutent l’arrivée du « journalisme d’investigation à l’américaine », veulent faire un exemple. Mais cette punition a un effet inverse sur Campbell : il se lance sur les traces de ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’Echelon. Il finit par démontrer, en 1988, l’existence de ce programme d’écoutes des communications, dans lequel coopèrent les ...tats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, grâce, entre autres, aux confessions d’une ingénieure qui a travaillé pour des sociétés privées sous contrat avec la National Security Agency américaine (NSA).
En 1999, il a déjà signé nombre de papiers sur la question. Mais c’est le rapport que lui a commandé le Parlement européen qui révèlera à l’opinion publique internationale l’ampleur de ce Big Brother. À lui seul, l’espionnage industriel effectué via Echelon rapporterait, chaque année, 25 milliards de dollars (175 milliards de francs) de contrats aux firmes américaines. Au détriment, essentiellement, de leurs concurrents européens ou japonais... Pour autant, ses conclusions ne provoquent pas d’incident diplomatique : les principales puissances industrialisées collaborent toutes, de près ou de loin, au système. Quand elles n’ont pas développé le leur...
Plus de vie privée
Duncan Campbell ne limite pas ses enquêtes aux « grandes oreilles » de la NSA. À son actif, on compte aussi quelques brûlots dénonçant les pratiques frauduleuses de médecins et d’industriels envers les patients atteints du cancer et du sida, ou encore l’implication d’un ancien ministre britannique dans un trafic de cigarettes. Certains des reportages de Campbell, également producteur de télévision, ont été tout bonnement censurés et il soupçonne les services secrets de l’avoir mis sur écoutes pendant au moins dix ans : « J’ai dû faire le deuil de ma vie privée », confesse-t-il. Malgré tout, ce journaliste continue d’envoyer ses articles aux rédactions par e-mail non crypté, une semaine avant leur parution. Histoire de prévenir ceux dont la charge est de le surveiller.
Surveillance électronique planétaire, Duncan Campbell,
éd. Allia, 176p., 40 F.