Six états de l’Union européenne (UE) rechignent à financer la prochaine étape de Galiléo, le
programme européen de radionavigation par satellite. Motif : un débat sur la participation du privé au financement du projet. Explications de Brian Lerner, auteur d’une étude commandée par l’UE au cabinet PricewaterhouseCoopers.
Vendredi dernier, six pays de l’Union européenne ont refusé de contribuer aux 500 millions d’euros de financement de la prochaine phase de développement de Galiléo, le système de radionavigation par satellite prévu pour entrer en fonction en 2008. Cette fronde a fait sortir de ses gonds Loyola de Palacio, la commissaire européenne aux Transports et à l’Energie. Elle exige un arbitrage clair en faveur du projet de la part des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, qui se réunissent vendredi et samedi prochain à Laeken, en Belgique. À défaut d’un déblocage d’ici à la fin de l’année, Loyola de Palacio brandit la menace de la mort de Galiléo. Un point de vue sans doute un peu excessif, mais qui vise à éviter des atermoiements néfastes à la réussite commerciale de l’initiative européenne.
Avant de débourser plus, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède veulent être certains que le secteur privé paiera sa part de la facture. En effet, un rapport établi par le cabinet PricewaterhouseCoopers à la demande de l’Union européenne et publié le 22 novembre a relancé le débat sur la structure de financement de Galiléo. Les explications de Brian Lerner, l’un des auteurs du rapport.
Pourquoi, selon vous, ces six Etats ont-ils fait machine arrière sur le financement du projet Galiléo ?
Ils ont dit qu’ils voulaient du temps pour étudier notre rapport, qu’ils viennent de recevoir. En effet, pour donner toutes les chances de réussite à Galiléo, nous prévoyons que l’Union européenne et l’Agence spatiale européenne devront contribuer au financement, plus que ce qui était initialement envisagé. Au départ, sur une facture totale de 3,6 milliards d’euros, les institutions publiques devaient payer les coûts de développement (soit 1,1 milliard d’euros), le secteur privé prenant en charge la construction des satellites et des infrastructures au sol (pour un total de 2,5 milliards d’euros). Or, dans les conditions actuelles, les intervenants privés ne semblent pas prêts à suivre.
Qui sont ces intervenants privés et à quelles conditions leur participation est-elle assurée ?
Il s’agit d’un consortium dont le processus de sélection débutera en 2002 mais qui ne sera définitivement choisi qu’en 2004. Notre rapport préconise un allègement de leur facture, réduite à 1,6 milliard d’euros. Nous proposons que les financeurs publics paient un tiers du coût de construction des satellites, soit 800 millions d’euros, et participent aux frais de fonctionnement du consortium par le biais d’un accord de licence de 800 millions d’euros.
Une telle structure de financement ne serait-elle pas un cadeau aux opérateurs privés, compte tenu des revenus qu’ils peuvent espérer tirer de la mise en œuvre de Galiléo ?
Ces revenus seraient suffisants pour amortir la dette contractée par le consortium et assurer la rémunération de ses actionnaires. Ils nous semblent raisonnables au regard des risques pris. Par ailleurs, nous estimons les bénéfices de Galiléo pour l’économie européenne à 17,8 milliards d’euros, plus de quatre fois supérieurs au coût total du système. Cela devrait inciter les Etats à financer le programme.
Un retard de trois à six mois pourrait-il tuer dans l’œuf le projet Galiléo ?
C’est un peu excessif de dire cela, mais il est certain que cela ne serait pas une bonne nouvelle. D’une part, Galiléo risquerait de perdre les positions orbitales réservées pour ses satellites. D’autre part, cela occasionnerait un léger surcoût pour le développement et le déploiement du réseau. Mais surtout, un retard pourrait coûter cher en termes de position concurrentielle : pour gagner des places de marché, il est important que Galiléo soit opérationnel avant la mise en œuvre de la troisième version du GPS [global positioning system, le système américain de radionavigation satellitaire, pour l’instant seul sur le marché, NDLR].
Le rapport de PricewaterhouseCoopers
http://www.galileo-pgm.org/reportsdoc/exec_summ_final_report_v1_5.pdf
L’agence spatiale européenne
http://www.esa.int