Sa mission : transformer l’ancien théâtre en centre parisien des créations numériques
Pierre Bongiovanni, 53 ans, est le directeur du Centre international de la création vidéo Pierre Schaeffer (CICV). Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, lui a confié en 2002 la mission de "préfigurer" la transformation de la Gaîté Lyrique de Paris : l’ancien théâtre, devenu parc d’attractions à l’abandon, doit devenir le centre parisien des créations numériques. Stream Tease TV, la société commerciale du directeur du CICV, anime le lieu depuis la première opération "Nuit blanche" de la Mairie de Paris, en octobre 2002. Chargé de forger la nouvelle vocation de la Gaîté lyrique, Pierre Bongiovanni y présente du 6 au 22 juin Open Source 2], la deuxième édition d’une exposition-parcours multimédia (Lire "Avec Open Source 2, le multimédia s’expose dans l’ancien temple de l’opérette").
Playhouse, d’Alexandra Chevillotte, une oeuvre emblématique d’Open Source 2, selon Pierre Bongiovanni (DR)
Le Maire de Paris vous a confié la mission de "préfiguration" du futur centre de création numérique de la Gaîté Lyrique. Quelle pourrait être la forme d’un tel lieu ?
Pierre Bongiovanni : Paradoxalement, la Ville de Paris a séparé la mission de préfiguration, qui m’a été confiée, et celle de développement du projet à venir, qui repose largement sur les architectes consultés. Ce que je peux dire, c’est que la Gaîté évoluera en centre dédié à la jeune création, aux musiques actuelles et aux arts nouveaux. Aujourd’hui, nous sommes ici dans un squatt, dans l’éphémère, le provisoire. Si je devais imaginer la Gaîté demain, disons que je me contenterais de déshabiller le lieu, mais j’en garderais toute la structure. J’établirais ainsi un lien entre les différentes époques de cet endroit.
Ma philosophie repose sur trois principes simples. Ce lieu n’est pas implanté n’importe où à Paris, mais dans son hypercentre. Ce lieu a une histoire singulière. Enfin, la Gaîté a encore un avenir qui ne devra pas renier cette histoire. Je voudrais l’inscrire dans une continuité. Le meilleur compromis serait d’en faire un lieu dédié à l’art de son temps où s’exprimerait le mouvement de la pensée qui fonde la filiation entre les arts et les époques, de Léonard de Vinci aux arts électroniques.
Quel lien établissez-vous entre le lieu et son histoire, et ce qu’il pourrait devenir ?
Comme des calques sous Photoshop (le plus connu des logiciels de traitement d’image, Ndlr), c’est la mise en perspective des activités qui s’y seront tenues qui laissera voir la nouvelle nature de la Gaîté lyrique. Elle se révèlera dans la surimpression des expositions, de Nuit Blanche, en octobre 2002, à nos projets d’installations futures, en passant par Open Source 1, 2 et 3 et les Rencontres Scanner. Le Maire de Paris nous a demandé de nous occuper d’un géant dans le coma. Au moment de le réveiller, il nous faut être doux avec lui. Je suis pris par l’énergie de ce lieu, que nous essayons de faire circuler avec le moins d’arrogance et le plus de naturel possible. C’est un lieu où se sont cristallisés de nombreux fantasmes et polémiques. Et, à mon avis, ce n’est pas terminé.
La série d’expositions inaugurales s’appelle "Open Source". Que signifie, pour vous, ce titre ?
C’est un clin d’oeil aux pratiques de la création numérique, au logiciel libre, au "copyleft" (par opposition à "copyright", Ndlr). C’est aussi une façon d’indiquer que la source de la Gaîté n’est pas tarie ...
A quoi tient le choix des oeuvres exposées ? Quelle cohérence les visiteurs y trouveront-ils ?
Le choix des oeuvres correspond à des coups de coeur. Je me soucie peu du goût des autres, je me fie avant tout à mon instinct. Toute l’exposition tourne autour de la mise en valeur de la diversité de la création numérique. Ce qui fait que les fétichistes de l’interactivité seront parfois déçus. Nous sommes encore dans la préhistoire de quelque chose de très ouvert, qui finira par advenir. Nous voulons rendre compte de cette naissance.
Une des oeuvres présentées dans Open Source 2 vous paraît-elle particulièrement emblématique des travaux exposés ?
Je pourrais parler longtemps de toutes les oeuvres exposées dans le cadre d’Open Source 2. Mais s’il en est une qui me semble exemplaire à plusieurs égards, c’est celle d’Alexandra Chevillotte, qui montre pour la première fois son installation au public. Elle installe, dans des paysages de cartes postales, morts et figés, des personnages avec lesquels le visiteur est invité à interagir visuellement, sans pour autant influer sur leur destin. Il est important que cette première présentation au public ait pu avoir lieu ici. Je me répète, les arts numériques n’en sont qu’à la préhistoire. Ils donneront à imaginer de nouveaux modes d’interaction encore inconnus, de nouvelles écritures non linéaires. Ce qui se prépare, ce sont de nouvelles formes de spectacle, qui ne partageront plus les codes de la télévision, du théâtre ou du cinéma.
Le site de la Gaîté Lyrique:
http://www.la-gaite-de-paris.info/
Le site du CICV Pierre Schaeffer:
http://www.cicv.fr/
Le programme d’Open Source 2 (Gaîté de Paris):
http://www.la-gaite-de-paris.info/_...
Le site de Playhouse, d’Alexandra Chevillotte:
http://playhouse.free.fr/