Les autorités britanniques viennent d’annoncer le lancement d’un test grandeur nature de contrôle automatisé des passeports aux aéroports. Cette démarche s’inscrit dans un mouvement de fond de renforcement du fichage et des mesures de sécurité dans les pays européens. Le Royaume-Uni est en pointe.
Si l’on ne connaît ni le fournisseur, ni la technologie de ces scanners, on sait que ces appareils sont censés repérer, "en temps réel", toute personne représentant un risque de sécurité, notamment les immigrants et immigrés.
La vérification portera non seulement sur l’authenticité du passeport, pour détecter les documents qui pouraient s’avérer falsifiés, mais permettra aussi, et surtout, d’interroger les bases de données policières britanniques.
Ils seront testés pendant trois mois sur des vols à destination du Royaume-Uni, en partance de Madrid pour Londres-Heathrow et de Miami pour Stansted. Dans le premier cas grâce à la collaboration de la compagnie Virgin Atlantic, dans l’autre grâce à celle d’easyJet.
D’autres essais seront effectués sur certains vols partant de Grande-Bretagne, mais le Home Office, l’équivalent britannique de notre ministère de l’Intérieur, ne fournit pas plus de détails à ce sujet.
Une ititiative soutenue par des partenaires privés
Richard Branson, PDG de Virgin, dans le communiqué du Home Office, se déclare enthousiaste : "Virgin Atlantic est toujours prêt à s’investir dans tout nouveau produit ou technologie innovants à même d’améliorer la sécurité et les services aux passagers." Ray Webster, d’easyJet, se dit lui aussi "enchanté" de cette collaboration, sa société se voulant "à l’avant-garde de ce qui peut rendre les vols aériens encore plus sûrs".
Ce soutien affiché pourrait, cela dit, se retourner contre les compagnies. Le 3 avril dernier, la compagnie Delta Airlines remportait le prix Orwell de la compagnie la plus intrusive aux Big Brother Awards américains (qui récompensent chaque année les personnalités et sociétés soupçonnées d’attenter à la vie privée des citoyens), pour avoir accepté de tester un programme similaire, le Computer Assisted Passenger Prescreening System (CAPPS II), aux Etats-Unis.
La compagnie aérienne fait d’ailleurs, à ce titre, l’objet d’un appel au boycott, tout comme la compagnie Flysong, objet des mêmes critiques.
Ce n’est qu’un début
Pour Berveley Hughes, responsable de la citoyenneté et de l’immigration au Home Office, "ce test est la première étape d’un processus au long cours visant à renforcer les contrôles aux frontières au moyen des dernières technologies, de sorte de créer un système de sécurité du XXIe siècle."
Le programme en question cherche aussi à étendre l’utilisation de la biométrie aux frontières. Selon VNUNet, le UK Passport Service (UKPS) prévoit, pour sa part, de généraliser l’implantation de puces biométriques dans les passeports d’ici à 2005.
Le 9 avril dernier, le Home Office annonçait avoir débloqué la somme de 473 millions d’euros sur trois ans, en vue de lutter contre le terrorisme, notamment via l’utilisation des nouvelles technologies, dans le cadre d’un programme de lutte contre l’immigration illégale et les abus au droit d’asile. Paradoxalement, l’objectif est aussi d’encourager les étrangers à immigrer au Royaume-Uni en vue d’étudier les nouvelles technologies.
Des passagers indûment black-listés
L’utilisation de la biométrie aux frontières et l’interconnexion des fichiers sont au coeur de l’agenda européen. Le système Eurodac de comparaison des empreintes digitales des migrants aux frontières européennes est ainsi opérationnel depuis le 15 janvier dernier.
Une carte à puce biométrique est testée en Angleterre depuis décembre 2000. Contrairement à l’avis du Parlement européen, elle permet aussi de ficher les empreintes digitales des mineurs.
Le 13 mars dernier, ce même Parlement européen rejetait, à une large majorité, la demande faite par les services d’immigration américains de pouvoir accéder, en temps réel, aux fichiers des passagers des vols à destination des Etats-Unis. Cet accès direct à des bases de données violerait en effet la directive européenne de protection des données personnelles.
Les compagnies aériennes feraient néanmoins l’objet de menaces de sanctions de la part des autorités américaines, qui cherchent, entre autres, à pouvoir faire intégrer dans leurs bases de données une "liste noire" des personnes indésirables aux Etats-Unis.
Selon l’Electronic Privacy Information Center (EPIC), une ONG américaine qui consacre tout un dossier à cette question, de nombreux passagers auraient déjà protesté pour avoir été indûment "black-listés" de la sorte.
En France, on suit le mouvement de renforcement généralisé du fichage et des mesures de sécurité. Nicolas Sarkozy annonçait ainsi, le 8 mars dernier, que "dès l’été prochain, la lecture des passeports sera une lecture optique à Roissy et à Orly." Pour le ministre de l’Intérieur, "l’été prochain, c’est fini le contrôle visuel". Il vient également d’annoncer, ce jour, la création d’un fichier d’empreintes digitales des demandeurs de visas.