Un projet d’accord entre le fabricant de logiciels et ses poursuivants privés pourrait bientôt être validé. Microsoft fournirait des écoles démunies en ordinateurs et logiciels, en échange d’un abandon des poursuites.
Microsoft semble bien décidée à évacuer ce qui lui reste d’ennuis judiciaires. Dans la foulée de l’accord amiable trouvé avec les autorités fédérales et la moitié des Etats américains qui l’attaquaient en justice pour violation des lois antitrust du pays, la firme de Bill Gates serait proche d’un autre règlement amiable. Dans le cadre, cette fois, des procès intentés par des personnes privées, d’après des informations dévoilées par le Wall Street Journal.
Dix dollars par personne
Plus d’une centaine de particuliers ont en effet engagé des poursuites, dans le cadre juridique spécifique aux Etats-Unis des class-action suits, ces actions collectives en justice. Ils reprochent à Microsoft ses pratiques de vente groupée pour son système d’exploitation Windows, qui inclut systématiquement les lecteurs audio et vidéo ainsi que d’autres applications de deuxième niveau made in Microsoft. Cette formule "tout compris" revient, in fine, à une facturation abusive, argumentent les plaignants. Le nombre de personnes concernées par ce préjudice est estimé à environ 65 millions aux Etats-Unis. Et le préjudice individuel se situe autour de dix dollars.
Un milliard pour les écoles
Toute la difficulté, en cas de victoire des plaignants devant un tribunal, résiderait dans le recensement puis l’indemnisation de chacune des victimes. Vu leur nombre et la faiblesse du dédommagement en jeu, les dommages et intérêts que Microsoft pourrait être condamnée à verser risqueraient de se consumer en frais administratifs et rémunération des avocats. L’un des avocats des demandeurs, Michael Hausfeld, a donc émis l’idée d’un règlement amiable. Il propose un abandon des poursuites en échange d’une bonne action éducative de Microsoft. L’accord prévoit des dons de matériel (ordinateurs d’occasion, mais répondant à des standards minimaux) et surtout de logiciels (Microsoft Office, Encarta, etc.) aux écoles les plus défavorisées des Etats-Unis, pour une valeur totale de plus de un milliard de dollars sur cinq ans. La facture pour Microsoft, même si elle n’est pas négligeable, semble moins colossale en regard des 36 milliards de réserves de liquidités de la société. Et le projet de règlement amiable, plutôt séduisant au premier abord, ne fait néanmoins pas l’unanimité.
Monopole auto-entretenu
Parmi la petite dizaine d’avocats représentant les particuliers qui s’estiment lésés, certains se sont émus de voir Microsoft renforcer sa présence dans les écoles. Un vrai paradoxe en fait de règlement de poursuites en justice visant justement des comportements répréhensibles de monopole. Finalement, les avocats ont estimé que, les logiciels Microsoft étant déjà omniprésents, mieux valait former les écoliers à leur utilisation avant leur entrée sur le marché du travail. Une manière implicite de reconnaître que la position dominante, une fois acquise, se renforce d’elle-même ? Tristement, ce n’est pas l’aspect qui inquiète le plus les avocats, davantage préoccupés de questions pécuniaires.
Quelques-uns des défenseurs voient d’un mauvais œil cette solution amiable moins lucrative qu’un verdict du tribunal. En cas d’issue judiciaire, les avocats toucheraient une commission, négociée avec leurs clients, sur le montant des dommages et intérêts imposés (le cas échéant) à Microsoft. Dans le cadre de l’accord, c’est le juge chargé de son homologation qui fixerait, sans lien avec le montant de l’arrangement, la rémunération des avocats, dont Microsoft serait chargé de s’acquitter.
Le juge J. Frederick Motz, de Baltimore, qui supervise l’ensemble des poursuites menées par des personnes privées à l’encontre de Microsoft, doit se prononcer sur le projet de règlement amiable dans les jours qui viennent. S’il estime la solution proposée avantageuse, il a le pouvoir de l’imposer, même aux plaignants qui s’y opposeraient, ce qui mettrait un terme à toutes les actions privées contre Microsoft. En tout cas tant que Windows XP ne défraye pas la chronique judiciaire.