Pour réagir au drame des enfants nés sous X, cette jeune femme a créé un site web qui a déjà permis cinq retrouvailles. Et ce n’est qu’un début, promet-elle...
« Ne faites pas attention… L’appartement n’est pas rangé. » Tailleur-pantalon vert, cheveux tirés en arrière, ongles rouges impeccablement vernis, Nathalie Amiot-Margiotta ouvre, sans plus de manières, les portes d’un appartement cossu du XVIIe arrondissement parisien où traînent les jouets de son fils de trois ans. « C’est une période un peu particulière… Je suis en train de retrouver ma mère. » Son secret, cette femme de 34 ans l’a dévoilé à la télévision sur le plateau de l’émission Zone Interdite : elle est née sous X, abandonnée par des parents anonymes avant d’être adoptée par une famille de la haute bourgeoisie provinciale. « J’ai commencé à poser des questions sur mes vrais parents à 12 ans, raconte-t-elle. J’ai obtenu des réponses vers 16 ans. Ce que j’ai découvert à l’époque m’a incité à tout oublier. » Une histoire peu reluisante d’adultère aristocratique. Pendant de longues années, Nathalie interrompt sa quête identitaire. Mais, il y a sept ans, elle décide à nouveau d’affronter son passé. Et se heurte à l’hermétisme de l’administration. « Je me souviens de ce fonctionnaire de la DDASS des Côtes d’Armor maintenant mon dossier sous ses mains croisées en me répétant qu’il ne pouvait rien me dire. » Histoire affreuse, mais classique : la législation interdit à des milliers d’enfants nés sous X d’accéder à la connaissance de leurs origines. ...nergique, Nathalie Amiot-Margiotta rejoint les rangs de la Coordination des actions pour le droit à la connaissance des origines (CADCO), qui réunit, alors, de façon informelle, des associations d’enfants abandonnés. La CADCO devient, en 1996, une association à part entière, dont Nathalie assume le secrétariat général. En 1998, c’est elle qui en élabore le premier site web. Le webmaster, un étudiant en informatique, est un autre sous X. « C’est une question de solidarité, explique Nathalie. On a tous une vie privée, tous une histoire différente, mais on s’entraide. Les accouchés sous X constituent, en fait, une grande famille. »
Le site propose, entre autres, une rubrique « recherche » : ici, les enfants nés sous X peuvent laisser leur date et lieu de naissance, au cas où leurs parents souhaiteraient les retrouver. La liste compte aujourd’hui près de 1 500 demandes et 400 autres attendent d’être mises en ligne. Depuis que ce service existe, cinq retrouvailles ont déjà eu lieu. « Et il y en aura d’autres, prédit Nathalie. Même si Internet est un outil qui n’est pas toujours accessible à l’ancienne génération. » Plus décidée que jamais, Nathalie Amiot-Margiotta a, en outre, créé « les X en colère ». Un mouvement à part, plus dur, capable d’actions commando médiatiques à la Act-Up. « Parce que le plus souvent, l’accouchement sous X permet de se débarrasser des enfants adultérins, d’escamoter les “bâtards”. Même les enfants nés du viol ou de l’inceste ont le droit de savoir. De toute façon, on sait que ce qu’on va apprendre va être dur. Mais on veut savoir. »
Pour l’heure, Nathalie Amiot-Margiotta attend de rencontrer cette femme de 67 ans, dont elle est sûre qu’elle est sa mère. « Ne serait-ce que pour lui dire que je la respecte. Je suis persuadée qu’elle non plus n’a pas eu une vie facile. » Quel qu’en soit l’issue, la rencontre sera douloureuse. Mais nécessaire. Ensuite, Nathalie envisage de prendre un nouveau départ. S’engager, pourquoi pas, sur la scène politique. Ou bien partir à l’étranger, peut-être, avec son mari et son fils. Et, surtout, consolider ses repères familiaux. « Parce que, dit-elle, on ne peut être bien dans son avenir que lorsqu’on a compris son passé. »