Mardi 24 avril, des salariés de Lanetro ont occupé les locaux de la société après leur temps de travail. La direction a appelé la police pour mettre fin à cette situation et compte porter plainte pour séquestration.
"Depuis janvier 2001, nous subissons des harcèlements moraux de la part du dirigeant de Lanetro : suppression de nos outils de travail, brimades, injures verbales et gestuelles, menaces...", raconte un salarié. Avec une quinzaine d’autres, dont des ex-salariés, il a décidé d’occuper les locaux de l’entreprise, à la Plaine Saint-Denis (Saint-Denis), dans la banlieue parisienne.
Depuis le début de l’année à la Plaine Saint-Denis, les salariés du guide urbain en ligne Lanetro sont entrés en conflit avec leur direction. Ils l’accusent de procéder à des licenciements abusifs et de recourir au harcèlement moral pour pousser des employés à la démission. L’après-midi du 2 mars, quelques salariés se sont donc mis en grève afin de se joindre à un rassemblement organisé par le syndicat BETOR-PUB CFDT pour dénoncer les pratiques sociales des start-ups. Mais la situation ne s’est pas améliorée depuis. Et les salariés ont craint de tomber dans l’oubli. "La médecine du travail a noté qu’il y avait harcèlement, mais elle n’a pas le pouvoir d’arrêter les dégâts : elle peut seulement témoigner en cas de procès. L’inspection du travail n’a pas non plus la possibilité de faire cesser les abus immédiatement. Quant au BETOR-PUB nous nous avons eu l’impression qu’il n’était pas très actif", explique un employé. Une personne de l’équipe se tourne alors vers le Syndicat de l’industrie informatique de la Confédération nationale du travail (SII-CNT) dont les méthodes sont plus radicales. Le 12 avril, pour le premier anniversaire de l’implantation de Lanetro en France (la société est d’origine espagnole), un commando de quatre membres de la CNT "entarte" Juan Carlos Campo, le représentant légal de l’entreprise en France, en signe de protestation. Toujours en avril, deux salariés de Lanetro font consigner sur la "main courante" du commissariat de Saint-Denis leurs griefs à l’encontre de Juan Carlos Campo.
Le dernier épisode d’un long conflit
Le dernier épisode de cette saga sociale s’est déroulé hier, avec l’occupation des locaux de l’entreprise par une quinzaine d’employés (salariés, pigistes et personnel licencié depuis le début de l’année), en présence de représentants de la Confédération nationale du travail. L’occupation commence un peu avant 18 h 30, à la fin de la journée de travail. La discussion s’engage avec Juan Carlos Campo, tandis que les autres cadres quittent les locaux. "Un pigiste réclamait le paiement de 22 000 francs d’arriérés de salaire et son licenciement économique afin de pouvoir toucher les Assedic. L’atmosphère était plutôt bon enfant, nous discutions en buvant quelques bières", raconte une employée. Mais vers 22 h 30, la police fait irruption, après un appel dénonçant la séquestration de Juan Carlos Campo. "Selon mes collègues présents sur les lieux, tout se passait gentiment. Mais s’il y avait une plainte, la séquestration serait sans doute avérée", explique un responsable au commissariat de Saint-Denis. Bien que le rapport d’intervention de la brigade anti-crimininalité (BAC) ne mentionne aucune violence physique ni dégât matériel. À 23 h30, toutes les personnes présentes lors de cette occupation ont quitté les lieux sans heurts quand la police le leur a demandé. "Et sans avoir rien obtenu", précise l’un des membres du groupe.
La direction veut porter plainte
Pourtant, la direction de Lanetro n’entend pas en rester là. Joint par téléphone, Juan Carlos Campo parle de séquestration, se plaint d’avoir dû rester dans l’entreprise "sans manger pendant cinq heures", lance des accusations de "fouille des archives de l’entreprise et de photocopie de documents" et assure qu’il y a eu "une porte et une armoire fracturées". "Ce qui s’est passé est scandaleux et nous allons porter plainte", affirme-t-il, pleinement soutenu par sa propre direction en Espagne. Celle-ci a même appelé aujourd’hui la rédaction de Libération accusant un de ses journalistes, présent sur les lieux hier, de vol de documents et menaçant, toujours, de porter plainte. "Pour l’instant, nous n’avons encore recueilli aucune plainte", tempère toutefois le responsable du commissariat. Aujourd’hui, l’entreprise est close et ses salariés ont été priés de rentrer chez eux. Ils attendent, un peu inquiets, la suite des événements.