Une campagne européenne contre le transfert de données des passagers aériens vers les Etats-Unis
Le 5 mai, IRIS (Imaginons un Réseau Internet Solidaire) a lancé en France une campagne contre le "transfert illégal de données personnelles concernant les voyageurs européens". Un tel transfert a été rendu possible le 5 mars dernier par un accord entre la Commission européenne et les douanes américaines. IRIS, une ONG de défense de la vie privée, invite les passagers à adresser des lettres de réclamation à l’ensemble des compagnies aériennes ainsi qu’à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). IRIS est le relais français d’une campagne lancée au niveau européen par l’European Digital Rights (EDRI), une fédération d’associations de défense de la vie privée et des libertés civiles.
Le 5 mars dernier, la Commission européenne a conclu un accord avec les douanes américaines, autorisant ces dernières à récupérer les informations personnelles des passagers de compagnies européennes volant en provenance, à destination ou via les Etats-Unis.
Des lettres types de réclamation
Les "dossiers passagers" ("Passenger name record" ou PNR) contiennent les données concernant le voyage (aller et retour), les prestations demandées à bord par le client, ainsi que des informations concernant le règlement, notamment le numéro de carte bancaire.
Maurice Wessling, président de l’EDRI, juge l’accord "illégal". Selon lui, il viole la législation européenne en matière de protection des données : "L’accord est beaucoup trop large et ne prévoit aucune limite quant à l’utilisation des données, que les douanes peuvent transmettre à toute agence ou administration américaine, pour une utilisation et un temps d’archivage indéterminés."
L’EDRI propose aux passagers européens d’adresser deux lettres types de réclamation, dont les modèles sont disponibles sur son site La première, destinée aux compagnies aériennes, permet à tout voyageur de demander quelles sont les informations détenues à son sujet et quelles informations ont été transmises aux douanes américaines. La seconde, à adresser à l’autorité nationale de protection des données personnelles (la CNIL, dans le cas de la France), est une demande d’ouverture d’enquête sur l’accord passé entre Europe et Etats-Unis sur le transfert de données.
Pour Maurice Wessling, l’accord conclu entre la Commission européenne est un exemple de recul des libertés causé par les pressions exercées par les Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme : "L’accord est le fruit d’une requête des Etats-Unis, fondée sur une loi américaine, ’l’Aviation and Transportation Act’, votée après les attentats du 11 septembre." Cette loi prévoit des amendes et la possibilité de suspendre les droits d’atterrissage sur le sol américain pour les compagnies aériennes qui refuseraient de transmettre les données de leurs clients. Maurice Wessling affirme : "Selon nos informations, les autorités américaines se sont montrées très sérieuses quant à l’éventualité de sanctions à l’encontre de compagnies européennes récalcitrantes."
"Amendements cosmétiques"
L’accord passé avec les douanes américaines n’énerve pas que les associations de défense des libertés civiles européennes qui mènent campagne aujourd’hui. Le 13 mars dernier, le Parlement européen a voté à une large majorité une résolution rejetant l’accord conclu par la Commission. Cette résolution, dont la valeur n’est qu’indicative, n’a eu aucun effet concret. L’accord continue toutefois d’être l’objet de discussions transatlantiques. Aujourd’hui même, à Bruxelles, des responsables du US Homeland Security Department et des douanes américaines rencontrent des membres d’un comité d’élus du Parlement européen sur la défense des droits de l’homme.
Selon le président de l’EDRI, une version amendée de l’accord pourrait voir le jour dans les jours qui viennent. "Nous ne nous faisons pas beaucoup d’illusions. Il y aura peut-être plus de détails concernant les risques d’abus. Mais, vu le contexte international, nous craignons que les amendements concédés par les autorités américaines ne soient guère plus que cosmétiques", conclut Maurice Wessling.