Un traité onusien veut obliger les belligérants à nettoyer les "résidus explosifs de guerre"
Un premier succès pour les ONG qui luttent pour l’interdiction des armes à sous-munitions
Le 28 novembre, une centaine d’états doit adopter un traité international dans lequel ils s’engagent à "nettoyer" les résidus explosifs de guerre qu’ils laissent sur les zones de combat. Le texte visant à limiter les dégâts que causent les millions de sous-munitions non-explosées a été signé par les Etats-Unis, bien qu’il soit en partie juridiquement contraignant. L’accord est le résultat de 10 jours de négociations pour établir un nouveau protocole additionnel à la Convention sur les armes conventionnelles des Nations Unies et marque un premier pas pour les ONG qui luttent contre ce fléau. Le 13 novembre, 80 associations ont lancé une campagne internationale pour faire interdire l’utilisation des armes à sous-munitions et l’instauration d’un principe pollueur-payeur. Elles n’ont pas été pleinement entendues, même si elles disposent désormais d’une base juridique pour continuer leur lutte.
En Irak, depuis la fin des opérations militaires la guerre menée par la population contre les résidus explosifs de guerre ne fait que débuter. Car il reste sur place beaucoup de munitions et de matériels militaires qui n’ont pas fonctionné ou ont été abandonnés. Ces "résidus de guerre explosifs" ("Explosive remnant of war", ERW, en anglais) retrouvés sur les zones de conflit après les combats sont le plus fréquemment des mines et des munitions non explosées, dont la catégorie des "sous-munitions" constitue la plus grande menace.
La guerre d’Irak passe pour le conflit le plus "technologique" de l’histoire militaire, avec l’usage de bombes laser ou guidées par satellite. Pourtant, la réalité semble différente de cette image : des centaines de milliers de petites bombes ou grenades ont été larguées, tirées sur des zones de combats ou des quartiers civils. Et ces bombes accusent un taux de défectuosité pouvant aller jusqu’à 15 %. Des millions de bombes non explosées qui se transforment alors autant de petites mines antipersonnelles.
Etats-Unis, Chine, Russie en tête
Le système d’arme à "sous-munitions" se caractérise ainsi : un conteneur (le corps d’une bombe, d’un obus ou d’une roquette) va disperser au-dessus de sa cible des petites bombes, qui peuvent avoir des capacités incendiaires, antipersonnel, antichar ou à effet combiné c’est-à-dire les trois. Ces sous-munitions, des "bomblets" ou grenades, exploseront, selon leur cycle d’armement, après l’éjection du conteneur, au moment de son impact au sol, ou après.
Ces armes permettent, en quelques bombardements aériens, de détruire de vastes zones, et ne font pas de distinction entre un objectif civil et militaire. Le nombre de sous-munitions renfermées dans un conteneur peut aller de quelques dizaines (16 TYPE 90 chinoise dans une roquette), à des centaines (202 BLU 114B dans une bombe cargo américaine) ou à un millier d’armes (1 200 BLU 18B dans une bombe cargo américaine).
58 pays disposent d’armes à sous-munitions, fabriquées et vendues par 33 états. Les États-Unis, la Chine et la Russie détiennent les stocks les plus importants.
Un danger pour ses propres troupes
La France dispose elle d’un équipement complet (obus, bombe cargo, roquette pour lance-roquette multiple). Pourtant, elle n’a plus utilisé ce type d’armes en opération de combat depuis les interventions au Tchad du début des années 1980. La France doute-t-elle de l’efficacité militaire de cet armement ? Visiblement non, car l’armée française se dote actuellement de nouvelles capacités militaires dans ce domaine : obus bonus, lance-roquette multiple de nouvelle génération, roquette M26 de nouvelle génération.
Contrairement à la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas ont eu un recours systématique aux sous-munitions lors de leurs différentes interventions militaires de ces quinze dernières années. Une utilisation accrue (plus de 13 millions de sous-munitions furent utilisées lors de la première guerre du Golfe), dont l’efficacité militaire n’est pourtant pas vraiment au rendez-vous.
En Afghanistan, au Kosovo et dernièrement en Irak, de nombreuses opérations terrestres ont été retardées voire annulées en raison du risque qu’encouraient les troupes. En effet, les raids aériens avaient tellement largué de sous-munitions sur les zones d’opérations, qu’il existait un risque pour les soldats de se voir victimes de leurs propres bombes non explosées. En effet, ces mines antipersonnel d’un nouveau genre ont déjà tué plus d’une dizaine de soldats américains.
En Irak, Richard Meyers, chef d’état-major interarmées américain a indiqué que 1500 conteneurs à sous-munitions avaient été utilisés, sans préciser le nombre de roquette et d’obus. Un chiffre qui doit être multiplié par 200 pour le nombre moyen de sous-munitions par conteneur, soit plus de 300 000 bombes.
Coalition internationale
En raison de l’utilisation accrue des armes à sous-munitions sur les villes, les populations civiles et les enfants particulièrement, deviennent les premières victimes. Ils sont souvent attirés par les couleurs vives de ces bombes parfois roses ou pensent que ce sont des rations alimentaires, d’aspect jaune. La situation rejoint et amplifie le drame humanitaire des mines anti-personnelles et les ONG se mobilisent désormais pour tenter de réduire ou d’interdire l’usage de tous les systèmes d’armes à sous-munitions.
Le 13 novembre, 80 ONG ont lancé une campagne internationale (Coalition contre les sous-munitions ou Cluster Munition Coalition, CMC) pour dénoncer les sous-munitions et obtenir la prise en compte de la question des résidus explosifs de guerre dans le droit international humanitaire. Cette mobilisation a été lancée quelques jours avant la négociation, du 17-28 novembre, d’un nouveau protocole additionnel à la Convention sur les armes classiques de 1980, précisément sur le thème des résidus explosifs de guerre.
Les ONG (Handicap international, Land mine Action, Comité international de la Croix Rouge...) souhaitent elles que soient incluses des dispositions réglant définitivement le problème posé par les ERW : l’interdiction d’utilisation, de production ou de transfert des systèmes d’armes à sous-munitions et l’instauration d’un principe "pollueur-payeur" pour les États responsables de la création de résidus explosifs de guerre, incluant entre autres la dépollution des zones contaminées.
Le nouveau protocole, dont on ne sait pas exactement à quel point il sera juridiquement contraignant, doit obliger les Etats à nettoyer ou à aider au nettoyage des zones polluées par les munitions non explosées. Cependant, le traité ne pourra pas être appliqué pour les régions contaminées par des conflits passés et le principe du pollueur-payeur n’a pas été retenu. Autre insatisfaction, le protocole ne prend pas en compte la question de la fiabilité des systèmes d’armes. Certes, la solution technique n’est pas la mieux à même de diminuer le problème posée par les ERW, mais elle aurait permis d’éliminer toutes les armes à sous-munitions obsolètes.
Le protocole n’entrera en vigueur qu’après sa ratification par au moins 20 Etats.