Chronique de Guillaume Malaurie*
Première nouvelle : le forfait Internet illimité (facture télécom comprise), c’était possible... Dommage pour ceux qui ont payé le prix fort pendant des années.
Pour un Internet pas si mobile que ça d’ailleurs.
Vous je sais pas, mais moi si. J’ai comme l’impression de m’être transformé en cochon payant.fr depuis qu’AOL a fait sa proposition de forfait Internet illimité (facture télécom comprise, pour 199 francs). Tous les commentaires cyber-érudits expliquent tout à trac que ce « modèle économique » n’est pas dément, mais parfaitement viable. « ...conomique », c’est le cas de le dire, vu ce que me prélèvent et mon fournisseur d’accès et France Télécom chaque mois ! Et pourquoi c’est rentable le forfait total illimité ? Grâce à la pub. Tout bêtement, comme la presse écrite ou la télévision privée.
Toile de masse
Mais pourquoi les fournisseurs ne l’ont-ils pas proposé plus tôt ? Apparemment, pour des raisons techniques. Pour que ça marche, il aurait fallu investir dans un équipement digne de la Toile de masse. Miser sur un système qui ne disjoncte pas face à la déferlante de nouveaux internautes, évalués par les experts avec la même exactitude mathématique que l’amplitude des prochaines grandes marées. Si j’ai bien compris : la demande était là et l’offre pas. Les non connectés à petit budget piaffaient derrière l’écran inanimé et les providers continuaient à regarder ailleurs en taxant un maximum les 10 % de français internautes pas regardants. Nous voilà ramenés 40 ans en arrière sous Pompidou, quand tout le monde voulait une ligne de téléphone et que les PTT expliquaient que c’était vachement difficile comme technique, que les centraux supporteraient pas la surchauffe...
J’observe d’ailleurs que France Télécom, en digne héritier des PTT, qui a expliqué pendant des années que la mode Internet passerait comme était passé l’engouement pour le yo-yo, n’embraye pas sur la proposition d’AOL. Premier fournisseur quasi « officiel » par le truchement de Wanadoo, mais bon dernier à innover. Merci la démocratisation ! « Hou ! hou ! », les pouvoirs publics. « Hou ! hou ! » les syndicats de gauche (CGT, Sud...), qui gardent toute leur influence sur France
Télécom mais se refusent encore à scander, de Bastille à Nation, « Debout les damnés
d’Internet ».
Assigné à résidence
Excusez la crise de nerfs, mais puisque nous voilà sur le dos des fournisseurs d’accès, restons-y une seconde. On est tous d’accord sur le fait, que « gratuite », « forfaitisée » ou « hors de prix », ce qui est bluffant dans une connexion au Web planétaire, c’est qu’elle est locale. Et que plus cinglé encore, dans cette ère mobile : quand vous voyagez, il est possible de vous connecter partout localement. Sans faire un numéro de téléphone à Paris quand vous êtes à Sydney. Possible ? Oui. Ou plutôt, non. La quasi-totalité des providers sont infoutus de vous donner un numéro de connexion à l’étranger. Ça s’appelle le roaning, une mutualisation internationale des fournisseurs d’accès, mais ça ne marche pas. Demandez le responsable, ça fera vite fait Mail-daemon.
Mais il y a pire ! Le pire, c’est l’ADSL ou encore le câble. Formidables techniques qui vous permettent d’avaler les sites et les téléchargements en rigolant, mais qui, cette fois, vous assignent complètement à résidence, chez vous. Exemple : vous habitez Toulouse et vous partez à Bordeaux avec votre ordinateur portable et, gloup, vous êtes en carafe. Certes, il est compréhensible que la ligne ADSL ou câblée ne soit pas transportable mais les mammouths de la communication auraient tout de même pu prévoir un numéro de téléphone de substitution quand l’heureux bénéficiaire de l’ADSL ou du câble quitte son domicile. Eh bien non, le cochonpayant.fr devra se réabonner une deuxième fois. Le nomadisme est un sport de luxe.•
*Guillaume Malaurie est rédacteur en chef au Nouvel Observateur