Des amendements introduits dans la loi de finances rectificative élargissent les mesures de conservation des données de connexion des internautes. Pour le juriste Benoît Tabaka, le Conseil Constitutionnel pourrait avoir son mot à dire.
Le Conseil constitutionnel peut-il encore examiner la loi sur la sécurité quotidienne, adoptée selon une procédure contraire aux règles parlementaires ? Oui, par le biais de la loi de finances rectificative, estime le juriste Benoît Tabaka, responsable du site rajf.org. Ce texte de fin d’année corrige le budget voté à l’automne. La version 2001, actuellement en examen au Parlement, inclut des dispositions sur la mise à disposition des données de connexion des internautes par les fournisseurs d’accès aux agents des douanes et du fisc et aux enquêteurs de la COB. Or, comme le rappelle Benoît Tabaka, ces mesures n’ont rien à voir avec le budget de l’Etat. Dans le jargon parlementaire, ça s’appelle un "cavalier budgétaire" et c’est en principe interdit. Mais encore faut-il, pour que le Conseil constitutionnel invalide ce cavalier, qu’il en soit saisi. Seuls 60 députés ou 60 sénateurs peuvent le faire, hormis quelques hauts personnages de l’Etat (le président de la République, les présidents des assemblées...).
Contrôle après coup
Lors du vote de la loi sur la sécurité quotidienne, l’opposition, approuvant l’arsenal sécuritaire, s’était bien gardée de toute attaque contre le gouvernement. Mais la loi de finances, elle, "est habituellement soumise au Conseil constitutionnel en raison de l’opposition traditionnelle sur les questions budgétaires entre la droite et la gauche ", rappelle Benoît Tabaka. "La loi de finances rectificative n’est pas aussi "sensible" que la LSQ et les parlementaires auront moins d’hésitations à la soumettre au Conseil", poursuit le juriste. D’après lui, cette saisine pourrait avoir un effet de ricochet sur la loi sur la sécurité quotidienne. Motif ? Une jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1985 sur la loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie. Le Conseil avait, à l’époque, choisi d’exercer son pouvoir de contrôle de façon indirecte. Comme il peut le faire lorsqu’un texte parlementaire dont il est saisi "modifie", "complète" ou "affecte le domaine" d’une loi adoptée auparavant. Mais rien n’est pourtant joué. Le vote de la loi de finances devant s’achever normalement jeudi 20 décembre, on saura cependant assez vite si l’opposition a décidé de mettre en branle la mécanique du contrôle constitutionnel.