Semaine tumultueuse pour le site français d’enchères. Deux mystérieux policiers armés s’en sont pris à des grévistes de l’entreprise. Des poursuites sont engagées. Et, pendant l’enquête, le plan social continue.
Simone, l’égérie du site d’enchères iBazar, vit un été plutôt agité. Lundi dernier, quelques salariés de la société - en cours d’absorption par le géant mondial des enchères, l’américain eBay - organisent un sit-in pacifique devant les locaux d’iBazar, dans le XIXe arrondissement de Paris. Leur but est de faire entendre à la direction leur désaccord sur les conditions de la fusion avec le site eBay. Ils semblent s’orienter vers une grève illimitée. Une première ou presque dans le monde de la nouvelle économie française. Des syndicalistes du mouvement Cesial (Confédération européenne des syndicats indépendants, autonomes et libres) se joignent à la manifestation. "Vers 14 h 15, raconte un salarié présent sur les lieux, deux hommes armés jusqu’aux dents ont fait irruption. Ils avaient des matraques, des couteaux de plongée, des chaînes. Le premier s’est "contenté" de violences verbales. Mais le second nous a frappés et aspergés de gaz lacrymogène." Les salariés parviennent à diriger les intrus vers l’entrée du bâtiment et à les bloquer à l’intérieur. Appelée en renfort, les policiers du XIXe arrondissement débarquent et interpellent les deux hommes qui, entre-temps, se sont débarrassés de leurs armes.
Explications confuses
Et là, surprise. Les deux individus s’avèrent être... des policiers. Les salariés déposent plainte auprès de l’Inspection générale des services (IGS) de la police nationale, qui ouvre aussitôt une enquête. Une enquête judiciaire a également été ouverte. Pendant ce temps, la direction de l’entreprise iBazar s’emmêle les pinceaux. "Il fallait bien envoyer des gardes, il y a des gens qui travaillent dans les locaux, et ils les empêchent de sortir", justifie dans un premier temps le directeur général Grégory Boutté auprès de nos confrères de 01Net. Avant de revenir sur sa version : "Nos propos ont été déformés, se défend aujourd’hui Esther Ohayon, responsable de la communication. Ces deux personnes sont extérieures à la société et n’ont jamais été appelées par la direction. Elles ont pris une initiative personnelle." Et de poursuivre, "nous avons d’ailleurs porté plainte auprès de l’IGS". Cette information a été confirmée par une personne proche de l’enquête.
Réduction des effectifs de moitié
Quelle que soit l’issue de cette dernière, les incidents du début de semaine traduisent les tensions existant entre la direction et des salariés inquiets pour leur avenir. Un plan social est en cours. "L’absorption d’iBazar par eBay se traduira par 40 à 50 licenciements (sur un total de 95, NDLR), essentiellement au sein des équipes techniques d’iBazar", explique une salariée, sous couvert d’anonymat. De fait, la plate-forme technique d’iBazar va progressivement laisser la place à celle d’eBay, basée à San Jose (Californie). Plus besoin, donc, des informaticiens français. En compensation, les salariés réclamaient l’augmentation - pour les personnes licenciées - de la prime d’aide à la création d’entreprise. La direction a, depuis et sans trop de difficultés compte tenu du contexte, donné son accord pour le passage de cette prime de 6 000 à 10 000 euros.
Et les stock-options ?
Les salariés ont également obtenu le paiement, sous forme de prime, des nombreuses heures supplémentaires effectuées jusqu’à la date du rachat par eBay. La direction a également lâché du lest sur le passage aux 35 heures de travail hebdomadaires : des négociations seront menées, parallèlement à celles du plan social. Dernier point, l’entreprise aurait été vendue autour de 110 millions d’euros, pour le plus grand bonheur de son président Pierre-François Grimaldi et de son jeune directeur général, Marc Piquemal. Les salariés, dont certains n’ont pas hésité à travailler les samedi et dimanche, réclament leur part. Ils exigent une "révision" de la valorisation des BSPCE (bons de souscription de parts de créateur d’entreprise) qui leur ont été attribués lors de la première levée de fonds d’iBazar. Un expert indépendant a été nommé par les salariés et la direction pour trancher sur ce point. Toutes ces mesures doivent encore être approuvées par le comité d’entreprise. Mais, eBay l’a compris, la paix sociale, ça se paie.