Pour Michel Sapin, ministre de la réforme de l’Etat, le compte en ligne des données administratives recommandé par le député Thierry Carcenac existera dans cinq ans. Et c’est indispensable. Interview.
Transfert : Etes-vous partisan d’un guichet unique pour l’usager, tel que l’imagine le rapport Carcenac ? A quelle échéance est-ce réalisable ?
Service photographique du premier ministre |
Michel Sapin : La France est en passe d’achever un premier cycle dans le domaine de l’administration électronique, ouvert par le PAGSI (programme d’action gouvernementale pour la société de l’information) il y a trois ans. C’est déjà une réussite remarquable. D’ici cinq ans, la plupart des démarches administratives s’appuieront sur les technologies de l’information. On pourra les engager sur internet, en discuter au téléphone avec un agent qui accèdera directement en ligne à votre dossier ; on recevra les documents par courrier électronique ou par La Poste, on sera prévenu par message sur son téléphone portable de l’avancée de son dossier... Cependant, de nombreux usagers continueront à s’adresser aux guichets de proximité, parce qu’ils préfèreront le contact direct avec l’agent ou qu’ils auront des difficultés à manier eux-mêmes les nouveaux outils. Les TIC( technologies de l’information et de a communication) pourront alors faciliter le travail des médiateurs entre les administrations et ces publics sensibles.
Cela dit, nous ne devons pas nous contenter de mettre " l’administration sur Internet ". La somme d’intelligence rendue disponible par ces technologies doit renforcer les liens sociaux, faciliter l’intégration, développer conjointement l’autonomie des citoyens et leur solidarité active. L’échec de l’administration électronique, ce serait sa réduction à un zapping permanent où, par exemple, votant à domicile à grand renfort de télécommande, l’on pourrait changer de maire, de député, de président, comme l’on change de chaîne.
Les programmes communautaires évoquent la nécessité d’adapter les données administratives à des technologies comme la téléphonie mobile du futur. Est-ce indispensable ?
Passer d’une administration en silo à une administration en réseau impose de créer une fluidité de la circulation des données dans les systèmes d’information de l’...tat. Cela implique de définir des standards communs de description des données permettant la communication entre systèmes. C’est indispensable, par exemple, pour que le site portail www.service-public.fr évolue et permette aux citoyens, aux entreprises et aux agents publics de disposer de téléservices publics avancés : transactions, personnalisation, mobilité.
La disponibilité aux normes de la téléphonie mobile ou à d’autres technologies de diffusion à venir est alors très facile à obtenir, puisqu’il suffit de construire une interface adaptée, sans avoir à toucher aux documents, aux services ou aux données.
On dit souvent que l’usager de l’administration va devenir un client aussi exigeant à l’égard du service public qu’à l’égard d’une entreprise privée...
L’usager est plus qu’un client pour l’administration : c’est un citoyen. De ce point de vue, je ne pense pas qu’il soit aujourd’hui moins exigeant à l’égard du service public qu’à l’égard d’autres fournisseurs de services. Simplement, son mécontentement éventuel ne se traduit pas de la même manière, parce qu’il ne peut pas changer de fournisseur. Les Français n’attendent pas aujourd’hui moins, mais plus de services publics, c’est-à-dire des services plus complets, plus accessibles, plus attentifs, plus ouverts, plus simples à utiliser. L’enjeu est de réussir à répondre à cette demande : c’est là que les outils de la société de l’information jouent leur rôle, parce qu’ils permettent de réduire les tâches les plus automatiques, les plus répétitives, et de confier aux agents publics des responsabilités plus larges.
Et si on ne fait pas le guichet unique ?
L’enjeu est simple. Il se pose en France comme dans toutes les économies développées : soit l’administration sait mettre à profit les TIC pour améliorer sa relation avec les usagers, développer de nouveaux services, - auquel cas elle sera, grâce aux TIC, confortée dans sa légitimité, -soit l’administration prend du retard dans l’utilisation de ces technologies, et elle court le risque d’être ringardisée et remise en cause.
N.B. : Cette interview a été réalisée par courrier électronique.