À Bure (en Lorraine), depuis dimanche dernier, deux visions du nucléaire s’opposent. Les militants écologistes protestent contre la création d’un centre de recherche sur l’enfouissement des déchets radioactifs. L’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs entend mener à bien son projet.
À Bure, en Lorraine, s’opposent, depuis dimanche dernier, deux visions du nucléaire. D’un côté, des centaines de militants écolo qui prônent le recours aux énergies alternatives et s’opposent à la création, à Bure, d’un centre de recherche sur l’enfouissement des déchets radioactifs. De l’autre, l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA). Les écolos sont venus à pied (certains ont fait plus de 700 kilomètres !), en train ou à vélo, de France, d’Allemagne et d’Angleterre. Un millier de militants se sont retrouvées ce week-end à Bure pour manifester contre l’installation, dans ce village, d’un centre de recherches sur l’enfouissement des déchets nucléaires. Bure est présenté comme un lieu “idéal” pour la création d’un tel centre : une structure géologique simple et stable, des roches argileuses et, selon les opposants, une faible densité de population. L’état sinistré du bassin d’emploi meusien couplé aux largesses financières de l’ANDRA a amené les élus locaux à approuver rapidement le projet dès 1993.
Trois axes de recherche
L’activité des centrales nucléaires produit 90 % des déchets radioactifs. On considère comme résidu nucléaire les rebus contaminés, non rejetables dans l’environnement et non réutilisables. Ils sont classés en fonction de leur durée de vie et de l’intensité des radiations qu’ils émettent. Les catégories qui concernent le site Meusien regroupent des déchets hautement radioactifs de durée de vie moyenne à longue (elle peut atteindre plusieurs centaines de milliers d’années) qui émettent de forte radiations. Face à la masse de déchets à traiter, une loi visant à organiser, en France, le traitement de ces déchets de longue durée a été votée en 1991. Elle comporte trois axes de recherche : l’étude du stockage en sub-surface (en surface mais "recouvert"), des recherches sur la séparation et la transmutation (pour réduire la taille et l’intensité des radiations) et l’examen du stockage en couches géologiques profondes (l’enfouissement).
3 questions à Nadine Schneider, du collectif Réseau sortir du Nucléaire
Que proposez-vous pour le retraitement des déchets ?
La première chose, puisqu’on ne sait pas quoi faire des déchets, c’est d’arrêter d’en produire pour diminuer la quantité à gérer. On ne va quand même pas nous demander de trouver quoi faire de ces déchets, on n’a pas choisit cette énergie ! On dénonce le système fou du nucléaire qui amène des concepts tel que l’enfouissement, qui est la pire des choses à faire quand on veut se débarrasser de quelque chose. Notre objectif, c’est d’abord l’arrêt de la production nucléaire : avant de travailler sur ce que nous allons faire de ces déchets, arrêtons d’en produire.
Comment sont reçues vos objections par rapport au projet , je pense notamment aux avis d’experts indépendants...
On n’est pas informé de leurs réactions, on a aucun contact avec l’ANDRA. On dit pas aux experts qu’ils cherchent mal, mais qu’ils font semblant de chercher puisque dès que quelque chose les dérangent, ils l’enlèvent. Au niveau géologique, on a par exemple constaté que des failles ont disparu des cartes... Dès qu’un fait est avéré, les experts arrondissent les angles. Ils sont très forts et bien rodés en communication. Les pouvoirs publics se réunissent en catimini, en préfecture... Notre force actuelle, c’est que des gens nous apportent des compétences réelles, géologiques, juridiques, scientifiques. On a pu être maladroits et se tromper dans l’empressement, mais maintenant, on peut s’appuyer sur des gens qui sont de notre côté, qui grattent et sont crédibles. On apporte, nous aussi, de l’information.
Que va-t-il se passer cette semaine ?
Des tas de choses. On va se déplacer dans plusieurs villes pour présenter les énergies renouvelables, il y aura des stands d’information. On va organiser des présences silencieuses devant le site de l’ANDRA. Le camp est aussi l’occasion d’apprendre la non violence active et toutes les formes qu’elle peut prendre. C’est un état d’esprit qui se crée et prend plus d’ampleur chaque jour, c’est vraiment formidable. J’ai jamais vécu ça alors que je suis depuis le début dans la bagarre, on a commencé avec des manifs dans la rue et beaucoup de maladresses. Là y’a une force... Une personne arrivée ce matin a une idée géniale, je sais pas si elle va se concrétiser : on pourrait utiliser des miroirs pour refléter le soleil vers le site de l’ANDRA. C’est assez tonique, assez bon enfant et assez réfléchi.