Des défenseurs américains de la vie privée remettent en question la possibilité d’accéder à des coordonnées personnelles grâce aux registres de dépôt des noms de domaines.
À tout internaute un peu curieux, il arrive de vouloir contacter l’auteur d’un site alors même que ce dernier - le rustre - n’a pas daigné indiquer la moindre coordonnée sur ses pages web. Un outil très pratique permet alors d’obtenir de précieuses informations, parfois jusqu’au numéro de portable de la personne recherchée. Appelé "Who is", ce moteur de recherche interroge la base de données où sont déposés les noms de domaine en .com, .org et .net. Toute personne achetant un nom de domaine finissant par cette extension est tenue de donner des coordonnées pour la bonne administration du réseau. Mis à disposition par les entreprises d’enregistrement, ce type de robot est indispensable lorsque vous voulez savoir si le nom que vous convoitez a déjà été déposé.Le Centre pour la démocratie et la technologie (CDT), organisme américain qui se penche notamment sur la protection des données personnelles, profite du grand raout annuel de l’Icann (l’Internet corporation for Assigned Names and Numbers préside aux destinées des noms de domaines) pour mettre en question la publicité de ces données.
Obligation contractuelle
Cité par le quotidien en ligne Cnet (source Associated Press), Alan Davidson, membre du CDT, dénonce le procédé qui tend à "faire du sacrifice de sa vie privée une condition indispensable pour entrer dans l’espace des noms de domaine". Une déclaration grandiloquente pour une question basique : le détenteur d’un nom de domaine doit-il s’identifier ? Question qui renvoie au récent débat français sur l’identification des auteurs de sites web (lire le dossier sur la responsabilité des hébergeurs). En tant que patron d’altern.org, Valentin Lacambre est hébergeur. Il a aussi contribué à fonder une société d’enregistrement des noms de domaine (gandi.org). Selon lui, les deux questions ne sont pas vraiment identiques : "En France, on a voulu forcer par la loi les sociétés à récolter le nom des hébergés alors que dans ce cas précis, il s’agit d’une obligation purement commerciale, résultant d’un contrat." Obligation contractuelle dont il faut toutefois préciser qu’elle a été mise en place par l’Icann. Par conséquent, tout organisme d’enregistrement se doit de l’appliquer. Mais pour Valentin Lacambre, le problème vient davantage de la commercialisation de ces bases de données.
10 000 dollars maxi
"La consultation des registres Who is au cas par cas ne pose pas de grand danger concernant l’usage massif des données pour la publicité ou le marketing", estime Valentin Lacambre. Par contre, "l’Icann oblige tous les registrars [sociétés d’enregistrement, NDLR] à céder la base nominative complète pour un maximum de 10 000 dollars à qui le demande", poursuit-il. Au vu des actuelles divergences de législations sur la protection des données personnelles, c’est donc une porte ouverte à la commercialisation. Le problème risque d’ailleurs de gagner en complexité avec l’adoption par l’Icann des éventuels ".biz" ou ".perso". À nouvelles extensions, nouvelles bases de données. Et si l’Icann est bien consciente de la difficulté, elle a d’ores et déjà annoncé que la question ne serait pas abordée avant janvier prochain.