Après bientôt huit ans de bataille juridique, la Cour Suprême américaine a donné raison aux journalistes pigistes. Ils réclamaient la reconnaissance de leur droit d’auteur sur les versions web de leurs article.
Quelques titres de presse américains ont commencé à purger leur site internet des articles de leurs pigistes. Le New York Times déclare avoir déjà délesté son édition en ligne de 115 000 papiers écrits par plus de 27 000 de ses journalistes free-lance. Un lessivage imité par le journal Newsday, le Washington Post, Time magazine, AOL. Deux éditeurs électroniques pourraient suivre : Lexis-nexis, une banque de donnée d’archives, et Universal Microfilms, qui stocke les écrits sur des Cederoms. Cette vaste entreprise de nettoyage suit la décision rendue, lundi 25 juin, par la Cour Suprême des ...tats-Unis dans une vaste querelle juridique qui oppose, depuis bientôt huit ans, quelques milliers de journalistes pigistes à ces grands groupes de presse.
Les éditeurs sanctionnés
Les juges de la Cour Suprême ont décidé de donner gain de cause aux revendications des journalistes pigistes. Emmenés par six rédacteurs, dont Jonathan Tasini, le président de la National Writers Union qui avait intenté la première action en justice en 1993, les milliers de scribes ont obtenu la reconnaissance de leur droit de regard sur toute réédition en ligne de leurs papiers. Les journaux devront donc désormais obtenir l’autorisation des auteurs pour toute exploitation sur un nouveau support. Sept juges contre deux ont déclaré que cette décision n’affecterait pas seulement les milliers d’écrits compilés sur les sites internet des publications, mais aussi les photographies et les illustrations d’abord publiées sur papier avant d’intégrer une version cédérom ou un autre support. Les éditeurs, pourraient également être condamnés à verser des dommages financiers à leurs pigistes. C’est la cour fédérale de Manhattan qui devra décider de la façon dont les auteurs devront être dédommagés. Un jugement qui signe la fin d’un temps où les éditeurs pouvaient sans contraintes faire des profits sur la plume de leurs rédacteurs. Payés selon la longueur et le contenu de leurs articles, les pigistes n’avaient, jusque-là, aucun droit de regard sur la réutilisation de leurs écrits pour alimenter des bases de données souvent payantes.
Réédition ou nouvelle version ?
La décision de la Cour Suprême permet aussi de préciser la qualification du statut des écrits sur Internet. En effet, alors que, selon la loi, les journalistes gardent un droit de propriété sur leurs écrits après leur publication, que devenait ce droit lors de la réédition de leur article ? L’argument des éditeurs était clair. Pour eux, la version web des écrits constituait juste une duplication des articles sur un autre support. Laquelle est autorisée par la loi sur les droits d’auteur (la Copyright Law) et n’oblige par l’éditeur à recueillir le consentement de l’auteur. À l’inverse, pour les journalistes, il ne s’agit pas seulement d’une réédition, mais bien d’une nouvelle version de leurs écrits sur laquelle ils doivent avoir un droit de regard. Lundi 25 juin, il s’agissait donc également pour la Cour Suprême de trancher ce débat. Ce qui fut fait en faveur des journalistes. "Les banques de données constituent de vastes fonds d’informations obtenus à partir de milliers, si ce n’est de millions, d’articles différents, tous séparés de leur support de publication original. Dans ce contexte, les articles ne sont plus des rééditions d’un travail original", a conclu la juge Ruth Bader Ginsburg.