Le Tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté, mercredi 24 mai 2000, la plainte de l’UEJF contre Multimania. Aucune mesure ne sera prise envers le site de communauté pour avoir hébergé un site nazi. L’UEJF semble bien décidée à faire appel. L’auteur du site est poursuivi au pénal.
À la sortie de la délibération, la déception se lisait sur les visages de Ygal el Harrar, le président de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) et de Patrick Klugman, son vice-président. Le juge venait juste de leur faire part de sa décision : la société Multimania ne sera pas poursuivie pour avoir hébergé un site nazi comme l’avait demandé l’UEJF lors de l’audience en référé du 19 avril 2000 (voir article de Transfert). De son côté, l’avocate de Multimania, Valérie Sédallian, s’est déclarée "très satisfaite de cette décision" que "sincèrement, elle ne s’y attendait pas". Avant d’ajouter : "Ce qui est très important dans cette affaire c’est le revirement de jurisprudence que constitue ce jugement par rapport à l’affaire Lacoste." Multimania avait en effet été reconnu responsable et condamné par le même tribunal le 16 décembre 1999 à verser des dommages et intérêts au mannequin Linda Lacoste au nom du droit à l’image. Cette fois-ci il semble que la bonne foi de l’hébergeur ait été reconnue par le juge.
Négligence ?
Petit rappel des faits. Alerté par l’UEJF le 17 février, Multimania avait fermé, dans la journée, un site baptisé NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, nom allemand du parti nazi). Réouvert par son auteur le 18 février, le site avait été définitivement supprimé le 18 février... L’UEJF avait malgré tout décidé de poursuivre Multimania pour manquement à ses obligations de prudence et pour négligence. C’est cette plainte que le tribunal de Nanterre vient de rejeter.
Il reste encore un mois à l’UEJF pour faire appel de cette décision. "Ce que nous ferons probablement car il n’y a rien qui ne nous assure que ce site ne réapparaîtra pas sur Multimania", a déclaré Stéphane Lilti, l’avocat de l’UEJF.
Culture historique spécialisée
Le jugement est en effet très loin de contenter l’association qui s’est vue refuser la plupart de ses réclamations. Parmi celles-ci figurait la volonté d’imposer à Multimania l’utilisation d’un annuaire inversé permettant l’identification des auteurs de sites. Le juge a certes "déploré" que la loi actuelle (la loi sur la responsabilité des hébergeurs, voir article de Transfert, qui sera en discussion au Sénat le 30 mai) autorise encore l’anonymat mais il n’a ordonné aucune mesure. Quant au reproche fait par l’UEJF à Multimania de n’avoir pas détecté la présence du site "Nsdap", le juge a considéré que "l’identification d’un tel site demandait une culture historique spécialisée". Nsdap est l’abrégé de Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, le nom allemand du parti nazi...
Auteur poursuivi
L’UEJF reprochait également à l’hébergeur d’avoir laissé le site nazi rouvrir pendant quelques heures avant d’être définitivement fermé. Un argument qui n’a pas été repris en l’absence de preuve. Ce que maître Lilti conteste : "J’ai pourtant fourni un constat d’huissier."L’avocat avance enfin une explication possible au rejet de sa demande : "Comme l’identité de l’auteur du site nous a été communiquée par Multimania après notre assignation, le juge a pu décider que notre plainte n’avait plus lieu d’être." L’auteur supposé du site en question, un jeune garçon de 16 ans, fait actuellement l’objet d’une poursuite pénale par le parquet de Paris.