Infraworks, une start-up américaine, se prépare à lancer un logiciel qui non seulement protège contre la copie, mais détruit les fichiers si on s’attaque à cette protection.
Les créateurs du format de sécurisation InTether ont pour ambition de bouleverser la protection des fichiers numériques et leur circulation sur Internet. Le principe de fonctionnement de ce logiciel est radical : les fichiers numériques téléchargés sont immédiatement détruits si on tente de déplomber leur système de protection. À l’origine de ce logiciel, InfraWorks est une jeune société américaine ancrée dans les activités militaires. Son chairman, Frank Carlucci, est un ancien secrétaire d’...tat à la Défense (de 1987 à 1989 sous Reagan et Bush). Et pendant la guerre du Golfe, son fondateur George Friedman était chargé au sein de l’armée américaine de gérer les problèmes de droits digitaux. En clair, il devait éviter que des soldats envoient à leur famille des images satellites, par e-mail notamment, comme de vulgaires souvenirs. Lors de la création d’Infraworks, il a d’ailleurs obtenu le soutien du Département américain de la défense. On ne s’étonnera donc pas que le premier produit qu’Infraworks commercialisa, Sanitizer, soit un logiciel destiné à nettoyer les disques durs de toute information. Il était principalement destiné aux militaires, mais une version grand public fut également distribuée.
Ce fichier s’autodétruira
Le nouveau produit, InTether, se compose de deux parties. La première permet de crypter un fichier et de définir les droits que l’on accorde au destinataire. La seconde est un programme indispensable pour lire les fichiers cryptés. Ce dernier, InTether Receiver, ne pèse que 300 ko, et peut donc très facilement être envoyé avec le fichier crypté. Il permet de bloquer de nombreuses fonctions de Windows comme l’impression d’écran et le copier/coller, et il surveille l’activité des logiciels sur l’ordinateur, pour qu’on ne puisse pas enregistrer, avec un autre logiciel, un fichier son protégé lorsqu’il est joué. Le logiciel d’Infraworks permet également de définir le nombre d’ouvertures possibles d’un fichier, mais aussi s’il peut être envoyé à d’autres personnes, s’il peut être imprimé et, si oui, combien de fois. On peut également fixer la date à laquelle le fichier s’autodétruira. La version 2 d’InTether devrait inclure fumée et bruitages façon Mission Impossible lorsqu’un fichier s’autodétruit.
Pas convaincant
Infraworks prétend avoir un système imparable. Onze niveaux de sécurité verrouilleraient le système, chaque niveau contrôlant en permanence l’intégrité des dix autres. "Si vous essayez de désactiver certaines pièces, en moins d’une milliseconde notre système le sait", a expliqué George Friedman à inside.com. Et c’est à ce moment que la sécurité devient active. À la moindre attaque, InTether force l’ordinateur à redémarrer, ce qui devrait interdire l’usage de logiciels, dit de "force brute", qui bombardent le verrou numérique plus de 50 000 fois par seconde, jusqu’à trouver la faille. Mais ce n’est pas tout. Si le fichier est malgré tout agressé de trop nombreuses fois, le logiciel déclenche ce que Friedman appelle "l’écran blanc de la mort" : la destruction du player et de tous les fichiers InTether. Le système ne convainc pourtant pas Julien Stern, un thésard en cryptologie au Laboratoire de recherche en informatique de l’Université d’Orsay, qui s’était illustré il y a quelques mois en crackant avec un ami les quatre algorithmes de protection des données mis au point par le SDMI (Secure Digital Music Initiative). "Il est clair que certaines protections ne pourront pas être respectées, explique-t-il. Par exemple, la limitation du nombre d’affichages. Il suffit de faire un copie bit à bit du fichier, éventuellement sous Linux si InTether empêche la copie, et on pourra rejouer le morceau avec la nouvelle copie."
Le défi est lancé
Pour être efficace, au moins théoriquement, InTether est implanté au cœur de Windows (seule plate-forme sur laquelle il fonctionne pour le moment), et là encore Julien Stern décèle des failles. "Une autre idée d’attaque consiste à jouer au même jeu que InTether : on pourrait par exemple mettre au point un programme qu’on installe avant InTether, et qui prendrait comme InTether le contrôle de l’ordinateur pour faire croire à InTether qu’il exécute ses ordres alors qu’il ne le fait pas." Autre faiblesse : le cryptage. "Si le document est chiffré, InThether aura besoin d’une clé pour le déchiffrer. Cette clé doit être contenue dans le programme qui fait 300 ko. Il est donc sans aucun doute possible de la récupérer. Et une fois qu’on l’a, c’est terminé." Malgré les critiques, George Freidman ne se fait pas de soucis. "Nous nous attendons à être attaqué, mais notre logiciel sera régulièrement upgradé. Si vous n’utilisez pas la dernière version, vous ne pourrez ouvrir les nouveaux fichiers." Pour le moment en phase de test, Intether n’est distribué qu’auprès de quelques clients. Infraworks reste muet sur la date de disponibilité. Une omission qui laisse Julien Stern sceptique : "Je ne crois pas du tout à ce genre de solution. Il est très probable qu’elle sera très rapidement cassée si elle est distribuée." Le défi est lancé.