Le Parlement italien a adapté sa législation sur la presse à Internet, le 21 mars, laissant dans le flou le statut des sites persos. Une interprétation restrictive pourrait les assimiler à des entreprises de presse.
Les webzines italiens devront-ils être édités par un journaliste professionnel émargeant à l’ordre de la presse et être déclarés auprès d’un tribunal ? De nombreux internautes italiens se sont jetés sur leur clavier pour protester contre ces exigences ahurissantes, après le vote par le Parlement, le 21 mars, d’un texte modifiant la loi sur la presse pour l’adapter à Internet. Jusqu’à présent, la législation applicable aux journaux précisait la nature de leur support, mais n’avait pas prévu l’avènement du Réseau. Or, le nouveau texte considère désormais comme "produits éditoriaux" soumis à la loi sur la presse les journaux "réalisés sur support informatique et destinés à la publication ou à la diffusion d’information au public par tous les moyens, y compris électroniques". En théorie, tous les sites internet devront se conformer aux obligations de la loi sur la presse, à commencer par la déclaration auprès du juge, sans quoi ils seront considérés comme "presse clandestine". En outre, leur directeur de publication devra être un journaliste professionnel.
Pas une loi sur Internet
Si le gouvernement se défend de vouloir museler les petits sites, le quotidien national La Repubblica souligne "la trop grande ambiguïté de la loi" et relate avoir reçu une avalanche de courriels sur le sujet. La Repubblica a cherché à obtenir des précisions auprès du gouvernement... Dans une interview en pure langue de bois, le sous-secrétaire d’Etat chargé de la Presse a tenté de se défendre : "Ce texte n’est pas une loi sur Internet. Il est destiné à ceux qui font un journal en ligne et sur papier et non à ceux qui font des flyers." La difficulté, soulevée par la Repubblica, est que rien dans le texte ne permet de l’affirmer. Chroniqueur juridique sur le site interlex.it, Manlio Cammerata souligne pour sa part que "cette loi particulièrement mal rédigée" pourrait être en partie contournée, car le texte précise que "le produit éditorial" doit bénéficier d’une périodicité régulière. Le juriste suggère une parution irrégulière pour esquiver la mesure.
Un système créé sous Mussolini
Pour Manlio Cammerata, le gouvernement a voulu régler deux problèmes en même temps : celui du contrôle de l’information par le pouvoir et celui de l’anonymat permis par Internet. La solution reste selon lui conforme à un système "créé sous Mussolini" et fondé sur le principe de la corporation. Un système devenu "totalement incompatible avec la société de l’information", écrit le juriste, qui appelle "à une refonte complète du statut de l’information". L’avocat Andrea Monti, président de la branche italienne d’Electronic Frontier Foundation, se désole, pour sa part, qu’un gouvernement de gauche ait pris cette initiative. Son diagnostic : "Les gouvernants ont peur d’Internet et ne veulent pas le connaître. Ils voient d’un mauvais œil la possibilité pour le citoyen de parler librement sur le Net."