Karim Zaz, directeur général de Wanadoo Maroc « Il faut délocaliser des projets européens au Maroc »
Karim Zaz, 35 ans, dénonce le pillage des élites dont son pays est victime et réclame davantage de coopération Nord-Sud dans les nouvelles technologies.
Quelle est la politique de formation du Maroc en matière de nouvelles technologies ?
La politique de formation n’a démarré qu’avec la menace du bug de l’an 2000. Aujourd’hui, les universités et grandes écoles marocaines forment 250 ingénieurs en nouvelles technologies chaque année. Malheureusement, nous assistons à une hémorragie : 80 à 90 % des diplômés des trois dernières promotions ont quitté le pays pour la France, le Canada ou les ...tats-Unis. Les sociétés de recrutement viennent même faire leur marché dans les salons professionnels marocains. C’est du pillage organisé. Je ne dis pas qu’il ne faut jamais partir. Mais les jeunes font de longues études au Maroc et partent avant même d’avoir produit quoi que ce soit. C’est une perte sèche pour le Maroc. À l’image des ouvriers spécialisés qu’on venait chercher, il y a 30 ans, pour travailler chez Renault ou Peugeot.
Quelles sont les motivations des candidats au départ ?
La première, c’est le salaire. Au Maroc, un ingénieur débute à 5 000 francs mensuels (le SMIC est fixé à 1 000 francs, NDLR). En France, il pourra obtenir jusqu’à 14 000 francs net. Ensuite, le Maroc est un petit pays avec de petits projets. Un ingénieur participera à des projets plus intéressants s’il travaille en Europe. Enfin, beaucoup de jeunes rêvent de traverser la Méditerranée et d’accéder à une société de consommation dont ils perçoivent les images à la télévision ou au cinéma.
Ce mouvement est-il irrémédiable ?
Il existe des solutions. Pourquoi ne pas partager, pourquoi ne pas délocaliser une partie des projets européens ? Cela permettrait de fixer les compétences au Maroc et d’y créer de la valeur ajoutée. Tout en faisant travailler ces diplômés pour la netéconomie européenne qui les fait tant rêver. C’est ce qu’a fait Alcatel en installant un centre de recherche au Maroc. Si on ne fait rien, quand le marché se retournera dans deux ou trois ans, comment ces Marocains exilés feront-ils pour s’en sortir loin de chez eux ? Aujourd’hui, certains partent sans même savoir écrire trois mots de français.