L’organisation mondiale de la propriété intellectuelle, chargée parmi d’autres d’arbitrer les conflits de cybersquatting, s’intéresse aux suffixes nationaux. Interview de Michael Froomkin, expert américain et animateur du site Icannwatch.
Alors que son centre d’arbitrage se prononçait sur la propriété de l’adresse celine-dion.com, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle concluait, mercredi 21 février, à la nécessité de trouver des règles communes pour les noms de domaines nationaux. Deux motifs d’alimenter les interrogations que commence à susciter l’organisation. Issue de l’ONU, l’OMPI est l’un des organismes chargé d’arbitrer les conflits de noms de domaines. Cette mission lui a été confiée par l’Icann (Internet corporation for Assigned Names and Numbers), pour les extensions du type .com, .net ou .org.
Contestée depuis le début de sa mission par certains experts des noms de domaines, l’OMPI a provoqué l’étonnement des médias dans l’affaire Céline Dion. Son centre d’arbitrage avait décidé la semaine dernière de ne pas restituer brucespringsteen.com au chanteur américain. Mercredi, il a autorisé au contraire la canadienne Céline Dion à récupérer l’adresse composée de son nom, qui avait pourtant été déposée dans les mêmes conditions que celle du "boss" et par la même personne. Cherchez l’erreur... Le même jour, lors de la clôture à Genève d’une conférence internationale sur les noms de domaines, l’OMPI a tenu à donner son avis sur les noms de domaines nationaux. Autrement dit, les .fr, .it etc, sur lesquels elle n’a pas de compétence. Remarquant l’absence d’autorité internationale sur ces noms de domaines, le sous-directeur de l’organisation, Francis Gurry, a enjoint les entités chargées de leur gestion à se mettre d’accord sur une procédure uniforme de règlement des conflits de cybersquatting. Le point de vue de Michael Froomkin, professeur de droit à l’université de Miami et animateur d’un site sur les noms de domaines Icannwatch.
Que pensez-vous de l’intervention de l’OMPI sur les noms de domaines nationaux ?
C’est un faux problème. Il n’y a pas de preuve que les ...tats aient rencontré des difficultés dans le réglement des litiges concernant leur extension de noms de domaine. Ils contrôlent les bases de données et tous les organismes sont soumis à la loi nationale.
Est-ce bien le rôle de l’OMPI de se préoccuper des suffixes nationaux ?
L’OMPI a le droit de faire toutes les suggestions qu’elle veut. Mais je pense que les gens de bon sens ont mieux à faire que d’examiner sa question.
Vous considérez que les ...tats ont le droit de choisir à qui ils confient la gestion de leurs noms de domaines ?
Non. Les extensions ne sont pas la propriété des gouvernements. Le système a été créé par John Postel (précurseur de l’Icann). Ce ne sont pas les gouvernements qui ont choisi leur extension. Simplement, comme Postel a décidé que les responsables des extensions géographiques devaient résider dans le pays concerné, l’administrateur est soumis à la loi nationale. Bien entendu, l’Etat peut ensuite réglementer l’activité et l’organe responsable.
L’organisation a-t-elle raison de dénoncer le caractère trop hétérogène de la gestion de ces extensions ?
Pourquoi la diversité poserait-elle problème ? C’est tout l’intérêt de l’Internet. Tout dépend de ce que l’on cherche. Améliorer le confort des multinationales ou préserver une diversité ? Les grosses entreprises ont tout à fait les moyens de s’adapter aux législations nationales.
Quand l’OMPI préconise de confier cette mission à un organisme international, ne pense-t-elle pas tout simplement à elle-même ?
A mon avis oui. Car l’OMPI cherche avant tout à accroître l’activité de son centre d’arbitrage.
N’est-il pas abusif de sa part de dénoncer le cybersquattage dans des zones nationales ?
Ils ont le droit de dire ça. Ce qui pose problème, en revanche, c’est la manière dont l’OMPI traite les litiges. C’est triste que l’ONU, dont elle dépend, cherche à imposer des règles aussi inéquitables partout dans le monde.