Un faux communiqué de presse publié sur le Web a fait chuter de 60% le cours d’une société cotée au Nasdaq. Mais à qui la rumeur profite-t-elle ?
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Il est 10 heures vendredi 25 août. Le Nasdaq - la Bourse américaine des valeurs de croissance - vient d’ouvrir ses portes. Soudain, les yeux se tournent vers Emulex, un fabricant californien de matériels pour réseaux à haut débit. En moins de trente minutes, le cours de l’action dégringole de 110 à 43 dollars, avant d’amorcer une légère remontée. Les échanges sont suspendus, mais il est trop tard. En une demi-heure, près de 2,5 milliards de dollars sont partis en fumée (18 milliards de francs), soit 60 % de la valorisation de l’entreprise.
Un faux communiqué
Á l’origine de ce vent de panique, un communiqué de presse cité par les agences de presse Bloomberg et Dow Jones, mais initialement diffusé sur le site spécialisé Internet Wire. Ce dernier débite à longueur de journée des milliers de communiqués que lui adressent les entreprises. Ce matin-là, le communiqué d’Emulex est plutôt alarmiste : il annonce coup sur coup que le patron claque la porte et que les profits attendus au quatrième trimestre se sont métamorphosés en pertes. Cerise sur le gâteau, l’entreprise serait, toujours selon le texte, l’objet d’une enquête du gendarme de la Bourse, la SEC (Securities and Exchange Commission). Il n’en fallait pas moins pour que les porteurs d’actions Emulex se débarrassent précipitamment de leurs " fruits pourris ".
Le calme revenu, le PDG d’Emulex Paul Folino multiplie apparitions et propos rassurants. Le communiqué de presse est un faux, tout va bien à Emulex et je suis toujours le boss, dit-il en substance. En moins d’une heure c’est le retour en grâce. Dans un monde bien connu pour ses mouvements grégaires, tout le monde se précipite sur l’action Emulex qui se redresse de 150 % en quelques minutes et se stabilise à un niveau " normal " de 106 dollars. L’incident est clos, les 2,5 milliards de dollars ont été regagnés. Mais pas forcément par ceux qui les ont perdus quelques instants plus tôt...
Surveillance renforcée
Reste à trouver le petit malin à l’origine de cette rumeur. Le directeur d’Internet Wire, Michael Terpin, jure ses grands dieux que la procédure de diffusion de l’information s’est faite dans les règles de l’art et que " l’auteur du communiqué " s’est fait passer pour une agence de relations publiques travaillant pour Emulex. L’excuse semble pour le moins légère et la réputation d’Internet Wire en prend un sérieux coup. Ce type de mésaventures n’est pourtant pas une première aux ...tats-Unis. D’autres entreprises ont été " victimes " ces derniers mois de rumeurs infondées diffusées sur le Net. L’occasion pour la SEC de renforcer une surveillance déjà impitoyable, en particulier via une cellule dédiée au Web. En France, la COB (Commission des opérations en Bourse) a fait de même. Au total, une quinzaine d’inspecteurs scrutent les forums, les sites financiers, ainsi que les sites des sociétés cotées. Les gendarmes financiers n’ont guère le sens de l’humour. En cas de doute, la COB peut même diligenter une enquête et retrouver l’auteur d’une rumeur, en particulier via son adresse IP. La diffusion volontaire de rumeur financière étant interdite et nul n’étant censé ignorer la loi, tout le monde est donc surveillé...