Il y a deux ans, des chercheurs américains publiaient une étude qui révélait qu’Internet était une cause de déprime pour certains utilisateurs. Aujourd’hui, ces mêmes chercheurs sont forcés de revoir leur copie.
Il y a deux ans, une importante étude américaine, réalisée par une équipe de psychologues de l’université Carnegie Mellon de Pittsburgh (Pennsylvanie), constatait que l’utilisation d’Internet augmentait sensiblement les risques de dépression des citoyens américains moyens. La nouvelle enquête, publiée en septembre 1998 dans la revue de l’American Psychological Association, avait, alors, été vivement débattue dans les milieux scientifiques et universitaires. Comment un outil qui incarne la communication pouvait-il avoir une influence néfaste sur les relations sociales des Américains ? La réponse n’aura pas vraiment eu le temps d’être ébauché que déjà une nouvelle étude, menée par les mêmes personnes, produit des conclusions exactement inverses. Oups ! L’équipe du psychologue Robert Kraut, le directeur du projet, s’était visiblement laissée aller à des interprétations hâtives dans sa première analyse. Mais bonne joueuse, elle en assume la responsabilité.
Treize compagnies informatiques
L’inverse serait étonnant surtout lorsqu’on apprend que l’étude a pu être réalisée grâce à l’apport de 1,5 millions de dollars versé par la National Science Foundation, la fondation Marckle et un consortium de treize compagnies informatiques. Cette somme avait servi à mettre en place un corpus de recherche très important. Quatre-vingt treize foyers américains avait été équipés en matériel informatique et connexion internet pendant deux ans. En échange, chaque membre de ces familles consentaient à remplir régulièrement un questionnaire et à laisser les chercheurs enregistrer leur navigation internet quotidienne sur 18 mois. Grâce à cette observation en temps réels, menée sur deux longues années, l’équipe du professeur Kraut avait bâti une analyse de l’évolution des comportements sociaux dès lors que l’utilisation du Réseau intégrait le quotidien des familles observées. Il en ressortait une analyse de la nature et de la qualité des relations sociales en ligne, l’impact de l’usage d’un ordinateur sur les activités des enfants, etc. En conclusion, l’étude assurait qu’Internet nous isolait socialement et rendait ses utilisateurs dépressifs. Les chercheurs avaient, en effet, observé que le temps passé sur le Réseau éloignait les utilisateurs de leurs amis et dégradait progressivement leurs rapports familiaux. Sur l’ensemble des personnes observées, les adolescents se révélaient les plus vulnérables à cet effet psycho-Internet.
Révision de copie
Aujourd’hui, les chercheurs ont revu leurs copies et nuancent, discrètement, ce qu’ils affirmaient deux ans plus tôt haut et fort. Une nouvelle étude, plus modeste, menée auprès de 446 personnes a révélé que l’utilisation de l’Internet augmenterait les activités sociales des gens plutôt extrovertis et enfoncerait un peu plus les introvertis dans leur solitude. La première étude, qui avait fait couler beaucoup d’encre dans la presse américaine, ne généralisait-elle pas un peu trop l’effet négatif du Net ? D’autant qu’une autre étude récente, réalisée celle-là par l’UCLA Center for Communication Policy, auprès de 2 000 ménages américains, assure que l’usage d’Internet accroît les rapports sociaux de ses utilisateurs. Le Net éloignerait aussi les internautes du petit écran puisque 28 % des personnes observées regardent moins la télévision que ceux qui ne disposent pas d’une connexion au Web. Un constat que Robert Kraut est bien en peine de critiquer. Beau joueur, il a expliqué au journal Usa Today que l’Internet a pris une place à part entière dans notre société et que son utilisation n’est pas liée aux dépressions et autres soucis d’ordre psychologique. Par contre, le chercheur, affirme que le Net est un facteur de stress, au même titre que les autres moyens de communication... À méditer.