"En omettant de préciser les conditions de forme de la saisine [de l’hébergeur] et en ne déterminant pas les caractéristiques essentielles du comportement fautif de nature à engager [...] la responsabilité pénale [des hébergeurs], le législateur a méconnu la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution." C’est par ces mots que le Conseil constitutionnel a supprimé - pour imprécision - une des mesures très critiquées de l’amendement Bloche sur la responsabilité des hébergeurs de sites Web. Cette disposition rendait les intermédiaires techniques responsables des contenus stockés, au cas où ils ne procédaient aux "diligences appropriées" après avoir été alertés par une personne estimant le contenu d’un site illicite ou préjudiciable. Une notion, en fin de compte, assez vague et obligeant les hébergeurs à juger eux-même des contenus (lire Maintien des diligences appropriées ).
L’identification pas remise en cause
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin dernier par 60 députés de l’opposition, sur la loi sur la liberté de communication dont fait partie l’amendement Bloche. Les parlementaires de droite n’avaient d’ailleurs pas mentionné les dispositions relatives à Internet dans leur réclamation. Mais le Conseil procédant à un examen complet de la loi, a décidé de se prononcer sur les "diligences appropriées". En revanche, l’identification des auteurs de sites Web auprès des hébergeurs - autre disposition critiquée - n’a pas été remise en cause.
Imprécision
Précisée seulement verbalement au cours des débats parlementaires, la notion de "diligences appropriées" avait été diversement accueillie. Approuvée par l’Association des fournisseurs d’accès (AFA), elle a été violemment dénoncée par les défenseurs de la liberté d’expression sur le Net. Elle a en partie poussé à la fermeture l’hébergeur gratuit Altern.org.
Principales critiques des opposants : l’hébergeur risquait d’être inondé par les procédures, puisqu’il devait réagir à la moindre récrimination, aucun formalisme n’entourant sa saisine par une tierce personne. Par ailleurs, il devait être "diligent" dans le cas où le contenu était illicite ou préjudiciable. On a vu récemment que le flou de cette notion pouvait conduire à une censure a priori, les hébergeurs évitant de prendre des risques (lire Vent de censure sur le Web français).
Le Conseil constitutionnel a donc jugé, d’une part, que le mode de saisine était imprécis, et d’autre part, que les députés auraient dû détailler ce qu’ils entendaient par "contenus illicites et préjudiciables".
La loi ainsi modifiée, l’hébergeur ne sera désormais responsable d’un contenu que dans le cas où il n’aurait pas obéi à l’injonction d’un juge de fermer le site. À une nuance près : les juges pourront toujours faire valoir des responsabilités liées aux obligations de droit commun, qui incombent à tout citoyen témoin d’un crime ou d’un délit. La jurisprudence dira lesquelles.
La décision du Conseil constitutionnel:
http://www.conseil-constitutionnel....