Le ministère de l’Intérieur n’a pas peur des poncifs. Ainsi, ne craint-il pas de rappeler que "les événements récents ont démontré que l’utilisation d’Internet était au coeur des échanges d’informations entre les membres d’un réseau terroriste", ni que "la transmission de messages cryptés par la voie de l’Internet" a été privilégiée. Autant d’assertions sans preuve que l’incapacité manifeste du système Echelon à prévenir le sinistre ne semble en rien tempérer. En revanche, elles viennent justifier les mesures prévues par le gouvernement pour lutter contre l’utilisation d’Internet à des fins criminelles. Celles-ci ont été déposées sur le bureau du Sénat, mardi 9 octobre, par le ministre de l’intérieur. Elles s’intègreront à l’arsenal législatif antiterroriste annoncé par le gouvernement, au milieu des dispositions sur les fouilles dans les véhicules et sur la sûreté des aéroports. Tous ces amendements rattachés au projet de loi sur la sécurité quotidienne seront discutés mardi 16 octobre, lors de la deuxième lecture du texte par les sénateurs.
Conservation des données de connexion
Le 5 octobre, Lionel Jospin avait annoncé, sans plus d’explication, qu’il donnerait "aux juges les moyens de lutter contre l’utilisation des TIC à des fins criminelles". Parmi les amendements déposés mardi 9, quatre concernent ce domaine. Trois sont issus d’articles de la LSI repris mot pour mot (lire le dossier sur la LSI). Premier cheval de bataille : la conservation des données de connexion par les fournisseurs d’accès à des fins d’enquêtes judiciaires. Une question qui a suscité maints débats au sein du Conseil de l’Europe, au Parlement européen et dans les ...tats de l’Union. En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a préconisé au gouvernement une durée de conservation de trois mois. Le texte qui passera devant le Sénat, comme la LSI, laisse la possibilité d’exiger un archivage sur un an, mais remet à un décret en Conseil d’...tat la définition des catégories des données concernées et leur durée de conservation.
"N’oubliez pas le double des clefs"
L’autre volet concerne l’utilisation de la cryptographie. Le gouvernement n’a pas sorti du projet de loi LSI l’intégralité des dispositions abordant cette technique. Le premier amendement concerne la possibilité pour l’autorité judiciaire de recourir à des spécialistes pour décrypter des messages. Et le cas échéant à des moyens soumis au secret de la défense nationale, par conséquent non susceptibles de recours par les accusés. L’autre mesure oblige les fournisseurs de prestations de cryptographie à remettre aux "agents autorisés" les conventions de déchiffrement des messages, sauf à démontrer qu’ils ne peuvent satisfaire à ces réquisitions (autrement dit qu’ils ne possèdent pas de double des clefs), sous peine de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Enfin, un quatrième amendement inclut dans le code de procédure pénale la possibilité de procéder à des auditions et des interrogatoires via Internet.
Accélération du processus
Pour Jean-Christophe Le Toquin, délégué permanent de l’association des fournisseurs d’accès (AFA), concernée par les données de connexion, "il semble que le gouvernement a opté pour une simple accélération des mesures envisagées par la LSI. Mais une accélération qui risque fort de faire passer à la trappe le débat sur les principes". Pour le représentant de l’AFA, il sera intéressant de vérifier si, au cours des débats parlementaires, "l’avis donné par la Cnil sera rappelé".
En théorie, d’autres amendements peuvent être déposés au Sénat jusqu’au lundi 15 octobre à 16 heures, mais le gouvernement ne semble pas vouloir procéder par "vagues" successives. Malgré tout, d’autres dispositions peuvent toujours venir s’ajouter, à l’initiative des sénateurs lors de l’examen en séance. Ou par la volonté du gouvernement, en fonction de l’accueil réservé à cette série d’amendements, lorsque le texte repassera à l’Assemblée nationale.