Interview de Harmut Pilch, programmeur informatique, membre d’Eurolinux et président de la FFII (Förderverein für eine Freie Informationelle Infrastruktur), association allemande pour le logiciel libre.
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Transfert - Quelle est la portée du vote ? Pour combien de temps le passage à la brevetabilité est-il repoussé ?
Harmut Pilch - Cette décision est valable jusqu’à une prochaine révision de la convention. Mais les choses pourront aussi changer en Europe si la Commission européenne se prononce sur un brevet communautaire.
Le maintien du logiciel dans la liste des exceptions à la brevetabilité remet-il en cause la pratique de l’Office européen des brevets, qui autorise des brevets logiciels par des contorsions juridiques ?
C’est vrai que l’article en lui-même qui liste les exceptions n’a pas d’influence sur cette pratique. Mais d’un autre côté, la position des ...tats sur cet article est un signe adressé à l’OEB, qui pensait jusqu’alors que les brevets de logiciels faisaient l’unanimité au sein des gouvernements et des tribunaux. Sa ligne n’a pas été suivie.
Dans le projet de révision de la convention, on parle d’un article 33 qui permettrait à l’OEB de changer les règles quand il veut...
D’après les informations que je tiens du ministère allemand de l’...conomie, c’est un pouvoir limité : l’OEB pourrait en effet décider d’autoriser les brevets de logiciels pour être en conformité avec le droit international. Par exemple, avec le droit communautaire, si Bruxelles décide d’inclure les logiciels dans sa directive sur les brevets, ou avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. Mais dans ce cas, les ...tats membres du conseil d’administration de l’OEB pourront s’opposer dans un délai d’un an. Pour l’instant, l’article 33 a été examiné mais pas soumis au vote.
Avant la réunion de Munich, la position de nombreux ...tats était incertaine. Finalement, il semble y avoir eu quasi-unanimité. Que s’est-il passé ?
Je n’ai pas participé personnellement aux négociations. Mais il semble que la France l’Allemagne et le Royaume-Uni aient fait des efforts particuliers pour convaincre les autres qu’il fallait attendre la décision de Bruxelles.
Ils ont fait des concessions sur d’autres dossiers ?
C’est très probable. D’ailleurs, des pays comme la Grèce et la Turquie étaient favorables a priori aux brevets alors même qu’il n’y a pas d’industrie du logiciel chez eux.
Parmi les 19 ...tats signataires de la convention de Munich, certains sont aussi membres de l’Union Européenne. Vont-ils défendre la même position à Bruxelles ?
Rien n’est moins sûr. Pour l’instant ils ont dit qu’il fallait attendre le résultat de la consultation publique lancée par la commission. Mais les rapports de force et les arguments ne seront pas forcément les mêmes à Bruxelles. Nous espérons en tout cas que le débat sortira du terrain strictement juridique pour évoquer les problématiques économiques liées aux brevets de logiciels.