Les sites de campagne des candidats aux municipales fermeront-ils à la veille du vote ? Les politiques font plancher leurs juristes.
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Cruelle incertitude ! À peine entré dans les mœurs politiques, Internet deviendrait-il un casse-tête de plus pour les candidats aux élections municipales dotés d’un site de campagne ? Depuis quelques jours, ils planchent en effet sur une question épineuse : que faire de leur site à la veille des scrutins (les 11 et 18 mars prochains), quand toute propagande électorale est interdite par la loi ?
Le code électoral en question
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Plusieurs dispositions du code électoral (voir encadré) interdisent aux candidats de continuer leur propagande électorale la veille et le jour même du scrutin. Une seule chose cloche : la loi, rédigée en pensant à l’affichage, la presse, la radio et la télévision, s’applique t-elle à Internet ? "
Tout dépend si Internet est assimilé à un procédé de communication audiovisuelle. Comme l’Internet ne dépend pas du CSA [Conseil supérieur de l’audiovisuel], l’organe de contrôle du secteur de l’audiovisuel, le Réseau ne serait pas, de ce fait, une activité qui tombe sous le coup de la loi", explique Dominique Deporcq, avocat spécialiste du droit électoral. Cela signifie-t-il que le Web n’est pas soumis à ces dispositions particulières ? "
Au regard des textes et de la jurisprudence, Internet est un support répandu, utilisé pour la première fois lors d’une campagne et sur lequel le législateur ne s’est pas penché. Mais la jurisprudence sur les supports de promotion écrits est transposable au Web. Il est donc plus prudent de fermer les sites des candidats avant l’élection", recommande l’avocat. Les élus vont-ils pour autant jouer la prudence ? Rien n’est moins sûr.
Monsieur Web
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Un petit tour du côté des staffs internet des quatre candidats parisiens donne un aperçu de leurs hésitations. Première réaction des Verts (vertsparis2001.org) : "
Votre question n’est pas bête… Merci de l’avoir posée." De toute évidence, l’interrogation suscite l’intérêt de Vincent Berville, le monsieur Web du candidat Yves Contassot, qui précise dans un mail : "
Je vais soumettre cette question à nos juristes pour voir ce qu’on va décider." Lors d’une conversation ultérieure, le webmestre est plus précis : "
La réglementation sur le financement des campagnes constitue une indication : comme le site web fait partie des instruments de communication utilisés par notre candidat, il doit être fermé avant le vote."
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Du côté de l’équipe du maire, Jean Tibéri, prétendant à sa propre succession, même réaction de surprise. Patrick Rizzi, journaliste, militant qui a bricolé le site ensemblepourparis.com, s’exclame : "Ha, il va falloir que je soumette la question à d’éminents juristes. C’est vrai que ce serait peut-être mieux d’arrêter le site avant le vote. Ce ne sera pas un drame de le fermer, on connaît déjà le résultat des élections." Tiberi.com, bidouillé par le fiston du maire, disparaîtra-t-il aussi de la Toile ? Pas de réponse pour l’instant. Pas plus qu’à la cellule web de Philippe Séguin, pourtant très organisée. "
On y travaille. En théorie, on fermera la veille du scrutin, on attend le retour de notre juriste pour les détails", glisse un membre de l’équipe.
Seule l’équipe web de Bertrand Delanoë semble avoir pris les devants. "
Nous fermerons le site le 9 mars à minuit pour le rouvrir entre les deux tours, avec les résultats du scrutin, et le refermer à la veille du second tour, soit le 16 mars à minuit", explique Hervé, le responsable du site. Une page d’avertissement ("
en raison de la réglementation (...), le site est indisponible, etc.") sera affichée sur le site à l’attention des internautes électeurs.
Volonté politique ou ignorance
Ce
que dit le code électoral
Article L.49 alinéa 2 |
À partir
de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de
faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message
ayant le caractère de propagande électorale. Article L.49 alinéa 1er Il
est interdit de distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des
bulletins, circulaires et autres documents. |
Mais, le 9 mars au soir, tous les sites de campagne ne s’éteindront certainement pas. Certains resteront en ligne, soit par volonté politique, soit par ignorance. Les candidats profiteront-ils de l’entre-deux tours pour relancer une mini-campagne ? À Paris, Séguin et Delanoë n’ont pas, par exemple, précisé ce qu’ils comptent mettre en ligne à ce moment précis. "
La question se pose moins sur l’existence du site à la veille du scrutin que sur le contenu qu’il propose. Si, par exemple, un candidat ajoute des arguments sur son site de nature à influer, voire inverser, le résultat des élections, son opposant pourrait vouloir s’en servir pour invalider le vote", explique Dominique Deporq. Le cas de figure pourrait bien se présenter si le déçu, prêt à tout, manœuvre habilement pour contester la victoire de son opposant. En cas de litige, se basant sur un faible écart de voix, par exemple, "
le juge de l’élection devra examiner si l’opposant a eu le temps de réagir, et si la nature du contenu du message publié sur le site en a eu une influence sur le vote", précise l’avocat. Internet, moyen d’invalidation d’une élection ? Les tribunaux administratifs auront peut-être à en juger.