Dans son rapport, remis jeudi 19 avril au Premier ministre, le député PS Thierry Carcenac juge transitoires les téléprocédures administratives. Il préconise la création d’un guichet unique.
La
réforme par l’A2C |
C’est le
mot proposé par Thierry Carcenac pour adapter le terme de "réforme
de l’...tat" , un peu austère , à l’ère
d’Internet. Sur le modèle archi-rebattu de B2C (business to consumer),
voici donc un A2C, traduisible non pas en "administration to consumer"
mais en "administration to citoyen", en bon franglais. Une
manière de rappeler l’objectif de son rapport qui vise à faire
évoluer l’organisation de l’administration en fonction des besoins
de l’usager et non l’inverse. |
"
Ce rapport est avant tout une contribution au débat" : dès son préambule, l’étude remise à Lionel Jospin jeudi 19 avril annonce la couleur. Le Premier ministre avait chargé, en juin 2000, Thierry Carcenac, député socialiste et président du conseil général du Tarn, de rédiger un rapport sur l’utilisation des technologies de l’information dans la réforme de l’...tat. Loin de tout calcul budgétaire et de tout chambardement des structures de l’administration, l’étude se veut avant tout prospective. D’aucuns la trouveront ouverte (elle n’est pas catégorique et ne prône pas l’utilisation de tel ou tel matériel). D’autres l’estimeront frileuse (elle s’abstient de trancher). "
Visiblement, les corédacteurs du rapport sont traumatisés par le plan calcul", commente un fonctionnaire, en référence au programme désastreux d’équipement en ordinateurs TO-7 adopté par l’administration dans les années 80.
Compte en ligne administratif
L’objectif, en tout cas, est clairement annoncé : il s’agit de "placer l’utilisateur au centre de l’administration" et sortir d’un processus "dans lequel les usagers doivent se mouler", écrit en substance Thierry Carcenac. Autrement dit, lorsqu ? un service réclame une pièce détenue par un autre organe administratif, ce n’est plus au citoyen d’aller la chercher. Il est temps de faire dialoguer les services entre eux et de "cesser de faire peser les contradictions internes de l’administration sur le citoyen". Tout en délivrant un satisfecit à l’équipe Jospin pour le programme d’action pour la société de l’information (PAGSI), développé depuis 1998, Thierry Carcenac estime que les sites web ministériels offrant des téléprocédures constituent désormais un objectif dépassé. L’étape suivante implique selon lui "de passer à la gestion d’un compte en ligne administratif" qui regroupe toutes les données d’un usager. Un guichet unique, en somme, autour duquel l’...tat devra réorganiser les processus administratifs. À terme, prévoit le rapport, lorsque l’administration aura besoin d’attestations émanant d’organismes externes (mutuelles, assurances, etc.), elle devrait pouvoir gérer également ces besoins par la voie électronique.
Développer un XML de l’administration
Thierry CarcenacEdgar Pansu |
Comment parvenir à cet objectif ? Pas question d’avoir recours à des entreprises sous-traitantes, énonce, d’entrée, le rapport, qui rappelle que seuls les agents publics peuvent offrir des garanties suffisantes de confidentialité. Même s’il n’écarte pas le recours à des partenariats avec le privé, par exemple pour les logiciels ou les réseaux câblés. Selon l’étude, le gouvernement devra à la fois favoriser la création d’outils informatiques compatibles entre tous les services administratifs, trouver le personnel compétent pour les faire fonctionner, favoriser l’utilisation de standards ouverts et de logiciels libres, ouvrir à Internet certaines partie des réseaux câblés de l’administration et coordonner les différents organismes intervenant dans la mise en place du PAGSI. Les outils : à court terme, les ministères devront faire évoluer leurs intranets vers des outils qui serviront à gérer les prestations aux usagers. Ensuite, la mise en oeuvre des téléprocédures devra être coordonnée entre les différents ministères. L’administration devra aussi mettre en place une solution de certification et de cryptage des documents électroniques, compatible entre tous les services. Par ailleurs, Thierry Carcenac conseille d’adapter le format XML pour l’administration. Ce langage de description des données, en passe de devenir un standard, permettrait d’automatiser la gestion des informations contenues dans les documents administratifs. Et de les adapter ainsi aux interfaces destinées aux usagers, que se soit par exemple sur un ordinateur ou un agenda connecté.
La proposition Le Déaut écartée
Restera à trouver les informaticiens pour mettre en oeuvre la réforme... Ce sera difficile, estime le rapport, en raison des salaires des fonctionnaires, trop bas sur ce marché de l’emploi. Et aussi parce que l’adaptation des informaticiens de l’administration à des questions aussi complexes que celle de l’administration en réseau ne sera pas simple. L’étude précise que l’...tat sera obligé de recourir à des contractuels et conseille de créer un corps d’informaticiens "de haut niveau", susceptibles d’intervenir à la demande des ministères. Prônée en juin dernier, au moment où des députés de droite et de gauche déposaient une proposition de loi sur les logiciels libres, l"l’intéropérabilité" des outils est soulignée par le rapport. Il est ,en effet, indispensable que les différents formats de documents et standards de communication soient compatibles si l’on veut faire dialoguer tous les services. Pourtant, Thierry Carcenac est resté très en deçà des propositions émises par le député PS Jean-Yves Le Déaut, qui conseillait d’inscrire, dans la loi, le droit à l’intéropérabilité et d’imposer aux services publics l’utilisation de standards ouverts. Et s’il juge la voie législative inappropriée, c’est parce que la mise en oeuvre du PAGSI a prouvé que les recommandations, en ce domaine, étaient suffisantes. Cette position fait d ?ores et déjà bondir l’Association francophone des utilisateurs de Linux (AFUL). "Certains ministères ont imposé l’usage de formats propriétaires. Or, de simples préconisations ne sont jamais suivies d’effets sérieux", proteste Jean-Paul Smets, l’un de ses représentants. Enfin, le rapport Carcenac estime que la réforme ne "nécessite pas un grand chambardement des structures mais un ajustement". À condition de donner les moyens à l’autorité politique d’impulser la mise en oeuvre des réformes. Il faudra donc trouver un chef d’orchestre intrer-ministères. Plutôt que de créer un "minstère de l’Internet" comme dans certains pays européens, le rapport suggère donc que le ministre chargé de la réforme de l’...tat devienne également celui de "l’administration électronique".