En se retournant contre Multimania pour faire taire des sites contestataires, le fournisseur d’accès Onetel se prend les pieds dans le tapis : l’auteur d’un des sites est son propre client
Les hébergeurs de sites web sont-ils tenus de vérifier les informations données par leurs clients ? C’est la question soulevée, lundi 11 septembre, par le fournisseur d’accès Onetel devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris. L’affaire qui l’oppose à Multimania, hébergeur de plusieurs sites critiques envers Onetel, avait été traitée en premier lieu par le tribunal de commerce (voir l’article de ZDNet ).
En août dernier, Onetel avait souhaité obtenir la fermeture de deux sites, les estimant coupables de "dénigrement" et aussi de contrefaçon parce qu’ils copiaient la mise en page de son site officiel. Un argument classique pour faire taire la parodie. Début septembre, le tribunal de commerce ordonnait à l’hébergeur Multimania de transmettre à Onetel le journal des connexions et les éléments d’identité recueillis lors des inscriptions des auteurs. Il laissait au tribunal de grande instance le soin de décider de la fermeture des sites. Dans l’attente, Multimania en suspendait provisoirement l’accès.
"Bienvenue au pays des kangourous farceurs"
Devant le juge des référés Jean-Jacques Gomez, l’avocate de Onetel a rappelé le contexte de l’affaire. Débordée par une offre de forfait de connexion illimitée mal conçue, cette société d’origine australienne s’attire, en août dernier, les foudres de ses clients (Lire Onetel chasse les gros surfeurs de son "Paradis’"). Parmi la ribambelle des sites mécontents, deux d’entre eux, Onetel-net et Onetelfuck retiennent son attention. Le premier proclame "Bienvenue au pays des kangourous farceurs". Le second dénonce "les offres à la con" du fournisseur d’accès, auquel il s’adresse directement : "Les gens de chez Onetel, soyez sympas de ne pas m’envoyer les huissiers : c’est du second degré !", écrit l’auteur de Onetelfuck. La plaisanterie, visiblement, n’amuse pas le fournisseur d’accès.
Il demande au juge des référés la fermeture définitive des deux sites. Il reproche aussi à Multimania d’avoir tardé à lui transmettre les données d’identification. "Concernant l’auteur de Onetelfuck, s’étrangle l’avocate de Onetel, j’ai obtenu ceci : nom = pareil ; prénom = aucun ; ville = poli". " L’hébergeur se devait de vérifier la vraisemblance de ces informations ", insiste-t-elle.
Onetel, fournisseur d’accès de Onetelfuck
Pour Multimania, ces deux arguments sont irrecevables. Son avocate, Valérie Sédallian, fait valoir que la loi sur les hébergeurs, entrée en vigueur le 1er août, l’empêche de transmettre toute donnée d’identification si la demande n’émane pas d’un juge. Elle attire par ailleurs l’attention du tribunal sur le fait que, d’après le relevé des connexions, le fournisseur d’accès de l’auteur de Onetelfuck n’est autre que... Onetel lui-même ! Un brin amusé, le juge Gomez se tourne vers le plaignant :"Que diable allez-vous donc embêter l’hébergeur si celui dont vous vous estimez victime est votre client ?" Réponse : "Nous ne l’avons appris que tardivement."
Pour Multimania, Onetel a donc les moyens d’identifier l’auteur du site. Quant à la véracité des données d’identité, Valérie Sédallian estime "qu’il n’appartient pas aux hébergeurs de la contrôler". Au nom de quoi, en effet, l’hébergeur pourrait décider qu’un prénom n’est pas vraisemblable ? Et que ferait Onetel d’identités vraisemblables mais fausses ? La société Multimania estime - une fois encore - avoir la loi (sur les hébergeurs) pour elle. Au juge d’apprécier. Décision le 18 septembre.