L’accord conclu le 6 décembre par le Conseil des ministres européens en faveur d’un protection accrue des internautes face à la publicité non sollicitée fait réagir les acteurs du marketing direct. Interview de Jérôme Stioui, PDG de Directinet.
Le Conseil des ministres européens s’est prononcé le 6 décembre pour l’"opt in ", qui exige l’accord préalable des internautes pour le démarchage publicitaire par courriel. Le Parlement européen, qui a adopté une position contraire réexaminera la question dans huit mois. Dans l’intervalle, les acteurs du secteurs du marketing direct prennent position ouvertement. Certains sont mécontents de l’avis du Conseil, telle la Fédération des Entreprises de Vente à Distance. D’autres appuient l’opt in. Par exemple Jérôme Stioui, PDG de Directinet, une société de marketing direct en ligne. Interview.
Pourquoi êtes-vous favorable à l’opt in ?
L’intérêt de l’internaute est évident : personne n’a envie d’être submergé de courrier publicitaire chaque fois qu’il accède à son compte mail. Mais c’est aussi l’intérêt des annonceurs : une campagne de spam peut avoir un impact désastreux sur une marque. Car le bouche à oreille électronique va très vite. Il faut donc être très prudent, si on ne veut pas tuer ce type de marché publicitaire.
Pourtant beaucoup d’acteurs du secteur du marketing direct et de la vente à distance continuent à faire pression pour abaisser la protection des internautes...
Je pense qu’ils ont une mauvaise compréhension du sujet. Même les politiques ont fini par changer d’avis. Christian Pierret a soutenu l’opt in au Conseil des ministres alors que la position française jusqu’alors, telle qu’elle figure dans le projet de loi LSI, était pour l’opt out [l’opposition au démarchage a posteriori par inscription sur un registre NDLR]. Je suis donc très content que les ministres européens aient décidé de renforcer le niveau de protection.
Est-il cohérent d’avoir davantage de protections contre le publipostage électronique que contre la pub dans les boîtes aux lettres ?
La différence essentielle tient dans le fait que le publipostage papier coûte très cher. A l’inverse, le mail peut être envoyé massivement. Même avec un taux de retour très faible, le volume de réponses obtenu reste rentable.
Si un internaute donne son consentement à une entreprise pour recevoir de la publicité, quelles garanties a-t-il de ne pas voir ses données louées ou vendues à une autre société ?
Lorsque l’on parle d’opt in, c’est évidemment en prévision de ce genre de cas. C’est pour cette raison que l’on demande le consentement préalable des internautes. En ce qui concerne la "fidélisation" des clients par une entreprise, la position adoptée par le conseil européen est claire. Elle indique que pour les besoins de leur propre publicité, les sociétés pourront utiliser leurs fichiers de clients, à condition de fournir à ces derniers les moyens de s’inscrire sur un registre d’opt out. A mon sens, pour obtenir une protection maximum, il aurait fallu encadrer le volume des messages qui peuvent être envoyés.
Tout ce système implique à chaque fois que l’internaute ait eu un contact préalable avec une entreprise via un site web ou une boutique...
...videmment. De toute façon la collecte sauvage d’e-mails est interdite.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que "de toutes façons, une réglementation du spam au niveau européen ne sert à rien" ?
Je trouve ça idiot. D’une part, il existe des accords avec d’autres zones, comme le Safe Harbor entre l’Europe et les Etats-Unis, même s’il est loin d’être parfait... D’autre part, même si c’est un pis-aller, ce n’est pas une raison pour ne pas adopter de réglementation sur notre territoire.